Enfin une étude qui répond à une vraie question : l’alcool est-il un bon antalgique ? C’est sur ActuKiné, c’est l’article décalé du mois et si cela ne sert pas à vos patients, peut-être bien que ça vous servira à vous ! En tout cas, une revue systématique avec méta-analyse vous apporte la réponse sur un plateau sans avoir à payer votre tournée.

Les auteurs de cette revue systématique ont interrogé les bases de données PubMed, EMBASE, PsycINFO et CINAHL jusqu’au 21/4/2016. Les études inclues devaient concerner des adultes sains consommant une dose d’alcool quantifiée, disposer d’une comparaison avec un groupe contrôle (la fête est plus folle), induire une douleur par des stimulations nociceptives accompagnées d’une évaluation de la douleur (seuils douloureux, tolérance à la douleur, évaluation subjective de la douleur) et avoir été publiées dans un journal à comité de lecture. La qualité des études était évaluée à partir d’un mix entre les critères Cochrane, les recommandations PRISMA et les recommandations PEDro.

Résultats : au final, ce sont 18 études qui ont été retenues représentant un total de 404 participants.

Concernant les seuils douloureux : une méta-analyse (13 comparaisons indépendantes avec 182 participants dans le groupe alcool et 182 dans le groupe contrôle) a démontré qu’il existait un effet antalgique de l’alcool avec des seuils douloureux significativement plus hauts dans le groupe alcool par rapport à un groupe contrôle (g=0.35, CI95[0.17, 0.54], z=3.75, p=.002), représentant un effet antalgique de faible taille d’effet. Une méta-régression a été effectuée en utilisant le BAC (Blood Alcohol Content = Taux d’Alcool Sanguin – TAS) comme modérateur. Une augmentation du TAS était significativement associée à une hausse de l’antalgie (B=5.50, CI95[0.03, 10.96], p=.048).

Concernant l’évaluation subjective de la douleur : une méta-analyse (9 comparaisons indépendantes avec 174 participants dans le groupe alcool et 129 dans le groupe contrôle) a montré une baisse significative de l’évaluation subjective de la douleur en faveur de l’administration d’alcool (g=0.64, CI95[0.37, 0.91], z=4.71, p<.0001), représentant une taille d’effet moyenne à large. Ici, un TAS plus haut était significativement associé avec une baisse de la douleur (B=9.84, CI95[2.64, 17.04], k=11, p=.007).

NB : « l’entrainement » des sujets (la fréquence de consommation d’alcool en moyenne par semaine) n’a pas été examiné en tant que modérateur par insuffisance de données.

Conclusion :

1- LES TRUCS COOL QU’ON A BIEN AIME :
– Tout indique que l’alcool a un effet antalgique
– Les seuils douloureux s’élèvent avec la consommation d’alcool même si cet effet est petit (DMS = 0.35).
– L’évaluation subjective de l’intensité de la douleur est réduite après la consommation d’alcool avec une taille d’effet moyenne à large (DMS=0.64) qui survient à partir de 0.08% du TAS (3 à 4 verres pour un homme et 2 à 3 verres pour une femme) et qui se trouve encore amplifié avec l’augmentation du TAS.
– Il existe une relation dose-réponse qui montre que l’antalgie augmente tous les 0.02% d’augmentation du TAS (ce qui correspond à environ chaque verre supplémentaire) à la fois pour les seuils douloureux (hausse SMD=0.11) et aussi pour l’intensité de la douleur (hausse DMS=0.20)

2 – LES TRUCS MOINS SYMPAS AVEC LESQUELS ON N’A PAS ACCROCHE :
– Les propriétés antalgiques de l’alcool contribuent à son usage excessif que l’on a pu observer chez des populations de sujets douloureux. Cette dépendance peut se mettre en place par renforcement négatif où le comportement de prise entraine la disparition du symptôme désagréable (un des modèles de l’addiction aux drogues).
– Un effet rebond (hyperalgésie) qui suit l’antalgie est décrit dans la littérature tout comme celui d’accoutumance qui engendre inévitablement une « montée en grammage ».
– Bien évidemment, la consommation d’alcool présente de nombreux impacts négatifs sur la santé (problèmes cardiovasculaires, de la fonction hépatique, cancer, santé mentale, etc.).

3 – Blague du jour : c’est l’histoire d’une bière qui tombe à l’eau et qui crie : « je sais panaché ! » (voilà voilà…)

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Références

Thompson T, Oram C, Correll CU, Tsermentseli S, Stubbs B, Analgesic effects of alcohol: A systematic review and meta-analysis of controlled experimental studies in healthy participants, Journal of Pain (2017), doi: 10.1016/j.jpain.2016.11.009.