L’article paru en 2016 sur la pression provoquant l’occlusion des vaisseaux lymphatiques donne l’information suivante : il faut atteindre une pression de 86 mmhg pour provoquer l’occlusion. Nous sommes loin des 30, mmHg proposé par Albert Leduc comme pression maximale de massage. Il faut aussi comprendre que cette donnée des années 1970 est issue de travaux réalisés dans un laboratoire de dissection, et, est il nécessaire de le rappeler, les cadavres, ça ne fonctionne pas tout à fait comme les vivants.
J.-P. Belgrado, L. Vandermeeren, S. Vankerckhove, J.-B. I. Valsamis, J. Malloizel-Delaunay, J.-J. Moraine, et F. Liebens, « Near-Infrared Fluorescence Lymphatic Imaging to Reconsider Occlusion Pressure of Superficial Lymphatic Collectors in Upper Extremities of Healthy Volunteers », Lymphat. Res. Biol., vol. 0, no 0, p. 70‑77, 2016.

L’occasion nous est donnée de faire un point sur cette technique.
Emil Vodder, titulaire d’un doctorat en histoire de l’art mais ayant fait quelques années en faculté de médecine au préalable, se prend de passion pour le système lymphatique qu’il avait pu observer lors de dissections. Il s’installe sur la côte d’azur, à Cannes, son épouse en tant que naturopathe et lui, propose rapidement une technique de massage innovante du système lymphatique après avoir eu l’illumination face une sinusite chronique. Bien plus tard, On trouve le premier article sur le sujet en 1967, : 30 years of manual lymphatic drainage according to Vodder. A special form of massage for decompression of the tissue.Fischer M.Landarzt. 1967 Feb 20;43(5):219-20.
Dans les années 1970, Albert Leduc ( docteur en éducation physique, licencié en kinésithérapie et réadaptation, professeur émérite des Universités de Bruxelles) reprend les travaux de recherche, en laboratoire de dissection, et met au point de nouveau protocoles, les manoeuvres d’appel et de résorption, ainsi que la stimulation des centres lymphatiques à distance du membre à traiter. Jusque là, aucun protocole de recherche clinique n’a été mis en place pour montrer que ces techniques fonctionnaient sur les vivants.
Les années 90 voient de nouveaux protocoles apparaitre, Wittlinger sur la base de la méthode Vodder 1992, Földi (Földi and Strößenreuther 2003),Casley-Smith (Casley- Smith and Casley-Smith 1997) et enfin Leduc (Leduc et al, 1991).
Des études sont menées pendant ces années pour apporter la preuve de l’efficacité de la technique mais la grande majorité sont de qualité méthodologique médiocre, voir truffés de biais, comparaison avant après, techniques de mesure approximative, évaluateur non aveugle, absence de randomisation, pas de suivi à moyen ou long terme. Dans les années 2000, on sent déja que la technique n’est peut être pas à la hauteur de ce qui était annoncé. Dans la revue du praticien de juin 2000, on trouve dans le résumé deux phrases significatives : “le drainage lymphatique et le meilleur traitement pour les stases veineuse ou lymphatiques des membres inférieurs” et un peu plus loin “mais il ne peut pas être utilisé seul”. Manual lymphatic drainage.Rev Prat. 2000 Jun 1;50(11):1199-203.Evrard-Bras M1, Coupé M, Laroche JP, Janbon C.
La revue systématique de 2007 met en évidence le niveau de preuve III,3 (réf : National Health and Medical Research Council, australie) pour les meilleurs des études. les auteurs concluent qu’il est impossible d’apporter une recommandation argumentée scientifiquement pour l’emploi du drainage lymphatique dans le traitement des lymphoedème post chirurgicaux dans le cadre du cancer du sein.
A. L. Moseley, C. J. Carati, et N. B. Piller, « A systematic review of common conservative therapies for arm lymphoedema secondary to breast cancer treatment », Ann. Oncol., vol. 18, no 4, p. 639‑646, 2007.

Une autre revue de littérature en 2013 conclue à l’absence d’effet du drainage lymphatique.
T.-W. Huang, S.-H. Tseng, C.-C. Lin, C.-H. Bai, C.-S. Chen, C.-S. Hung, C.-H. Wu, et K.-W. Tam, « Effects of manual lymphatic drainage on breast cancer-related lymphedema: a systematic review and meta-analysis of randomized controlled trials. », World J. Surg. Oncol., vol. 11, no 1, p. 15, 2013.

Il faudra attendre la revue Cochrane de 2015 dont nous avions déjà parlé la même année dans actukiné, pour faire apparaitre l’intérêt du drainage lymphatique en complément du bandage compressif qui reste le principal traitement physique. Il permet une réduction de 7% environ de l’oedème qui se rajoute au gain de 30% à 38% lié au bandage. De plus, il semble que l’effet ne soit présent que dans les cas des lymphoedèmes légers à modérés.
Ezzo, E. Manheimer, M. L. McNeely, D. M. Howell, R. Weiss, K. I. Johansson, T. Bao, L. Bily, C. M. Tuppo, A. F. Williams, et D. Karadibak, « Manual lymphatic drainage for lymphedema following breast cancer treatment », Cochrane Database Syst Rev, no 5, 2015.

Une nouvelle revue de littérature cette année apporte la confirmation avec les mêmes résultats.
Y. Shao et D. S. Zhong, « Manual lymphatic drainage for breast cancer-related lymphoedema », Eur. J. Cancer Care (Engl)., no April, 2016.

Au dela de l’effet, la question se pose sur les différences d’effet des techniques entre elles. Hélas, aucune ne se distingue des autres, des plus simples au plus compliquées. Ce qui les réunie dans la description, c’est la partie de massage qui part des ganglions les plus proches du segment à drainer, et le geste de pousser l’oedème appelé résorption, pompe, scoop, thrust ou autre sur le segment à drainer.

La conclusion que l’on tire de la littérature peut se résumer ainsi :
les effets du drainage lymphatique sont limités et n’apparaissent que comme un complément à d’autres techniques
Les techniques les plus simples suffisent à produire les effets maximaux mesurés
Le drainage ne doit pas faire oublier les traitements principaux : bandages compressifs ou pressothérapie suivant les cas
Les effets ne concernent que les oedèmes légers à modérés.
Il est très bien supporté et procure une sensation de bien-être sans avoir la moindre influence sur la mobilité ou la fonctionnalité du membre.
Il serait intéressant de revoir les notions de pressions évoquées qui ne sont pas conformes à la réalité.