Introduction :
Les avancées thérapeutiques en réanimation ont permis de diminuer le taux de mortalité des patients atteints d’insuffisances respiratoires aiguës. Néanmoins, les patients survivants peuvent présenter des limitations à l’effort, une dépendance fonctionnelle et une baisse de la qualité de vie pendant plusieurs années suivant le séjour en réanimation. Plusieurs études ont démontré l’efficacité de la réhabilitation précoce en réanimation sur le statut fonctionnel du patient à la sortie de réanimation, le nombre de jours sous ventilation mécanique et le nombre de jours en réanimation [1-4]. Il existe cependant des divergences entre les résultats mis en avant par les études. L’objectif de cette étude randomisée contrôlée a été d’appuyer l’efficacité de la réhabilitation précoce standardisée en réanimation sur la réduction du nombre de jours d’hospitalisation et sur l’amélioration du statut fonctionnel.

Méthode :
Etude monocentrique en simple aveugle (évaluateur) comprenant 2 groupes : programme de réhabilitation standardisé (Groupe Réhabilitation) versus contrôle (Groupe soins courants).
Groupe réhabilitation : programme standardisé de réhabilitation 7 jours par semaine systématique. La rééducation comprenait des mobilisations passives pour les patients sédatés et des mobilisations actives, contre résistance, bord de lit, verticalisation, travail de l’équilibre, marche sur place, transfert fauteuil pour les patients conscients.
Groupe soins courants : soins habituels du service. Les patients ont pu bénéficier de kinésithérapie à la demande du médecin (seulement du lundi au vendredi).
Chaque groupe a été évalué à la sortie de l’hôpital, à 2, 4 et 6 mois.
Critères d’inclusion : patients ventilés de façon invasive ou non invasive avec un rapport PaO2/FiO2 inférieur à 300.
L’analyse des résultats a été effectuée en intention de traiter.

Résultats :

Au début de l’étude, 300 patients ont été randomisés. A 6 mois, il restait 84 patients dans le groupes « réhabilitation » et 81 patients dans le groupe « soins courants ». Les patients du groupe « réhabilitation » ont reçu 8 jours de mobilisation passive, 5 jours de thérapie physique (mobilisation active dans le lit, transfert, travail de l’équilibre) et 3 jours de renforcement contre résistance élastique. Le groupe « soins courants » à seulement reçu 1 jour de thérapie physique (mobilisation active dans le lit, transfert, travail de l’équilibre).
Les 2 groupes sont comparables sur toutes les caractéristiques (âge, médication, sévérité etc.). Aucune différence significative n’a été retrouvée sur la durée d’hospitalisation. La durée médiane d’hospitalisation était de 10 jours pour le groupe « réhabilitation » et le groupe « soins courants ». La durée médiane de sédation était de 2 jours pour les 2 groupes. Le nombre de jours médian en réanimation était de 7,5 [4-14] pour le groupe « réhabilitation » et 8 [4-13] pour le groupe « soins courants ».
Aucune différence statistiquement significative entre les deux groupes n’a été retrouvée sur la qualité de vie (questionnaire SF-36), la force musculaire et sur le statut fonctionnel à la sortie de l’hôpital.
Néanmoins, une différence statistiquement significative a été retrouvée en faveur du groupe « réhabilitation » sur la qualité de vie à 6 mois (p=0,001) et le statut fonctionnel (p<0,05).

Commentaire :
Comme évoqué précédemment, des études antérieures sur la réhabilitation précoce en réanimation ont démontré les bénéfices potentiels suivants : amélioration du statut fonctionnel à la sortie de l’hôpital, une diminution du nombre de jour sous ventilation mécanique, une diminution du temps d’hospitalisation et du coût des soins.
Les résultats de cette étude ne mettent pas en avant les bénéfices de la réhabilitation précoce sur la durée d’hospitalisation, le statut fonctionnel et sur la durée de ventilation mécanique. Cependant, les données montrent une période d’hospitalisation relativement courte et un nombre de jours de rééducation limité. Plusieurs hypothèses peuvent expliquer ces résultats, notamment celles-ci :

– La période de rééducation a été trop courte pour apporter des bénéfices au patient.
– Le nombre de jours médian de sédation (2 jours) et de ventilation (4 jours) sont relativement faibles et induisent peu d’altération musculaire et fonctionnelle. Les bénéfices de la réhabilitation seront donc limités sur ce court terme. Ceci renforce le fait qu’un Protocole d’arrêt de la sédation précoce dans les services de réanimation permet de prévenir les effets néfastes de l’alitement prolongé et diminuer le nombre de jours d’hospitalisation.
– Les moyens d’évaluations ne sont pas assez sensibles à court terme pour détecter une amélioration.

Nous pouvons remarquer une amélioration de la qualité de vie et du statut fonctionnel des patients à 6 mois en faveur du groupe « réhabilitation ». A contrario, Moss et coll. n’ont pas retrouvé d’amélioration du statut fonctionnel et de la qualité de vie à 6 mois [5]. Cette étude randomisée comparait 28 jours de réhabilitation intensive versus réhabilitation standard chez des patients en insuffisance respiratoire aigüe admis en réanimation. Les auteurs soulignent le fait que la réhabilitation précoce ne doit probablement pas être effectuée de façon systématique. Celle-ci apportera certainement peu de bénéfice pour un certain nombre de patients (patients ventilés moins de 4 jours). Les auteurs suggèrent de sélectionner les patients à risque de développer une neuro-myopathie acquise en réanimation où les bénéfices de la réhabilitation précoce seront augmentés (du bon sens…).

Référence : Morris PE, Berry MJ, Files DC, Thompson JC, Hauser J et coll. Standardized Rehabilitation and Hospital Length of Stay Among Patients With Acute Respiratory Failure: A Randomized Clinical Trial. JAMA. 2016;315(24):2694-702

Image : Burtin, C., B. Clerckx, C. Robbeets, P. Ferdinande, D. Langer, T. Troosters, G. Hermans, M. Decramer, and R. Gosselink. 2009. Early exercise in critically ill patients enhances short-term functional recovery. Crit Care Med 37:2499-2505.

[1] Morris, P. E., A. Goad, C. Thompson, K. Taylor, B. Harry, L. Passmore, A. Ross, L. Anderson, S. Baker, M. Sanchez, et al. 2008. Early intensive care unit mobility therapy in the treatment of acute respiratory failure. Crit Care Med 36:2238-2243.

[2] Burtin, C., B. Clerckx, C. Robbeets, P. Ferdinande, D. Langer, T. Troosters, G. Hermans, M. Decramer, and R. Gosselink. 2009. Early exercise in critically ill patients enhances short-term functional recovery. Crit Care Med 37:2499-2505.

[3] Schweickert, W. D., M. C. Pohlman, A. S. Pohlman, C. Nigos, A. J. Pawlik, C. L. Esbrook, L. Spears, M. Miller, M. Franczyk, D. Deprizio, et al. 2009. Early physical and occupational therapy in mechanically ventilated, critically ill patients: a randomised controlled trial. Lancet 373:1874-1882.

[4] Kayambu, G., R. Boots, and J. Paratz. 2013. Physical therapy for the critically ill in the ICU: a systematic review and meta-analysis. Crit Care Med 41:1543-1554.

[5] Moss M, Nordon-Craft A, Malone D, Van Pelt D, Frankel SK, Warner ML. A Randomized Trial of an Intensive Physical Therapy Program for Patients with Acute Respiratory Failure. Am J Respir Crit Care Med. 2016 May 15;193(10):1101-10