Encore une abréviation… le QST vous connaissez ? C’est le Quantitative Sensory Testing. Parmi les traductions possibles, on retrouve l’évaluation quantifiée de la sensibilité cutanée ou encore la quantification des seuils sensitifs. Il s’agit d’une batterie de tests examinant les fonctions somato-sensorielles du patient. En clair, on mesure les réponses du patient à des stimuli standardisés (comme l’application quantifiable d’une pression mécanique, d’une source de chaleur/froid, d’une vibration, etc.). Le QST est un examen de plus en plus utilisé à la fois expérimentalement mais aussi cliniquement notamment dans le diagnostic des douleurs neuropathiques à petites fibres. Pour en savoir plus, je vous recommande chaudement la série de cours de Dave Walton

Chacune des méthodes qui évaluent les fonctions somato-sensorielles sont influencées par un nombre de facteurs très importants… en d’autres termes, attention car malgré son nom (Quantitative), ce QST n’est pas un examen objectif. Les auteurs du papier dont nous parlons aujourd’hui se sont demandés si les instructions verbales dispensées aux patients à tester pouvaient influencer les résultats… et ils semblent qu’ils aient mis en plein dans le mille !

16 individus sains ont participé à cette étude. Pour simplifier l’analyse, les auteurs ont choisi de tester uniquement les MPTs (seuils de pression mécanique) au niveau de trois sites (joue droite, bout de la langue et gencive en région prémolaire supérieure droite). Les auteurs ont utilisé le protocole du groupe germanique de recherche sur les douleurs neuropathiques (DFNS) qui considère le MPT comme le seuil douloureux à la piqure. Ils ont effectués ces tests deux fois : une fois au moyen de stimulateurs dans le style des filaments de Von Frey (mais piquants) et une autre à l’aide d’un système similaire mais électronique. Ils ont réalisés ces procédures en faisant varier le type d’instruction verbale donnée aux sujets : dans un cas la phrase employée était « s’il vous plait, dites oui/pousser ce bouton dès que vous sentez la moindre sensation de piqure » et dans l’autre la phrase était « s’il vous plait, dites oui/pousser ce bouton dès que vous sentez la moindre sensation de douleur ». Toutes ces mesures ont été reconduites par le même examinateur à 1-2 semaine d’intervalle.

Résultats : il existait des différences significatives dans les résultats des MPTs au niveau des trois sites entre les deux types d’instructions (piqure ou douleur) et entre les deux techniques d’examen (mécanique ou électronique). Les MPTs du groupe « instruction douleur » étaient significativement plus importants que ceux du groupe « instruction piqure » quels que soient les sites analysés. Les valeurs des MPTs fournies par le dispositif électronique étaient systématiquement plus élevées que celles données par le dispositif mécanique. Les reproductibilités intra-examinateur étaient considérées comme bonnes à excellentes.

Conclusion : à la vue des MPTs, pourrait-on considérer ici que le mot « piqure » est plus menaçant que le mot « douleur » ? Il me semble, qu’au dernier congrès de l’IFOMPT, Michel Coppieters avait mentionné une de ses études à paraitre où la procédure neurodynamique (ULNT1) précédée d’une explication mentionnant le mot "nerf" réduisait l’amplitude du mouvement et augmentait l’inconfort du sujet par rapport à la même manœuvre où il était simplement dit au sujet qu’on allait bouger son bras (information qu’il faudra vérifier – si les collègues présents à Glasgow peuvent confirmer, grand merci !). Quoi qu’il en soit, il faut sans doute surveiller notre langage pour éviter d’induire de l’anxiété chez nos patients. Et si on commençait par remplacer ce fichu mot « douleur » par celui « d’inconfort » et ce mot « problème » par « difficulté « ?

Références

Suzuki K, Baad-Hansen L, Svensson P. Verbal instructions influence pain thresholds assessment: A study using manual and electronic mechanical stimulators. Eur J Pain. 2017 May;21(5):900-906. doi: 10.1002/ejp.992. Epub 2017 Jan 20.