Une jeune femme de 21 ans souffrant de douleurs cervicales unilatérales depuis 3 ans suite à un traumatisme a participé à cet essai (1). Elle ne présentait aucun dommage structurel décelable à l’imagerie (IRM). Le traumatisme initial était une chute en arrière sur son lit où son occiput avait percuté violemment la barre de la tête de lit. Les douleurs de cette patiente étaient uniquement latéralisées à gauche au niveau cervical et au trapèze supérieur sans irradiation dans les membres supérieurs. Son bilan complet effectué par un physiothérapeute spécialisé (IFOMPT-14 ans d’expérience) est disponible dans l’article. Fait le plus important, les douleurs étaient majorées en rotation gauche, elle-même limitée à 20° en actif (limitation douloureuse). La rotation droite était libre et indolore. Le thérapeute a remarqué que cette rotation gauche pouvait être effectuée sans douleur et sur l’amplitude complète en utilisant une tâche de distraction de l’attention (lancer de balle par-dessus la tête de droite à gauche). Les auteurs ont donc pensé analyser les activités cérébrales lors des rotations gauches avec et sans distraction et à les comparer avec un sujet sain servant de contrôle. Il restait le problème de jouer à la baballe dans la machine…

L’astuce des auteurs a été d’utiliser un protocole combinant de l’imagerie motrice (IM) et de l’observation d’action (OA). Ils ont donc montré des vidéos (8 vidéos de 16s avec des pauses entre les vidéos) de cet exercice de lancer de balle de la droite vers la gauche et vice-versa, avec des rotations cervicales de 20° et de 80°, des situations avec distraction (balle) et sans distraction (pas de balle). Le patient était invité à observer les vidéos et à s’imaginer effectuer l’action.

Quels résultats ?
– Durant les tâches de rotations de grandes amplitudes, l’activité cérébrale était différente entre rotation gauche et rotation droite uniquement chez le sujet douloureux (une plus grande activité était retrouvée dans les cortex cingulaires antérieur et postérieur, le cortex préfrontal et les aires pré-motrices)
– Les rotations gauches du sujet douloureux ne provoquaient pas une activité des aires de la matrice de la douleur quand elles étaient associées à la distraction d’attention (par exemple, on ne retrouvait pas d’activations importantes en S1, dans l’ACC, le PFC, le cervelet, etc.), confirmant ce qui avait été constaté cliniquement
– Les auteurs évoquent la piste d’une réponse douloureuse conditionnée bien que le modèle peur-évitement traditionnel n’explique pas complètement la présentation (le FABQ est normal et on ne retrouve pas d’activité dans l’amygdale)

Pourquoi est-ce important cliniquement ?

Ce cas semble montrer qu’il est possible de désactiver la matrice de la douleur engagée pour un mouvement spécifique par distraction d’attention. Dans un tel cas, on pourrait émettre l’idée que le traitement devrait s’appuyer sur des protocoles où l’attention est manipulée. Deux des auteurs ont d’ailleurs produit un essai (certes d’assez faible qualité méthodologique) utilisant un entrainement proprioceptif du membre inférieur pour améliorer des douleurs cervicales (2).

Références

(1) Beinert K, Mouthon A, Keller M, Mouthon M, Annoni JM, Taube W. Neural Correlates of Maladaptive Pain Behavior in Chronic Neck Pain – A Single Case Control fMRI Study. Pain Physician. 2017 Jan-Feb;20(1):E115-E125.
Accès libre ici

(2) Beinert K, Taube W. The effect of balance training on cervical sensorimotor function and neck pain. J Mot Behav 2013; 45:271-278.