La question posée est donc : Quelles sont pour vous les causes principales de recurvatum du genou lors de la phase d’appui de la marche du patient TC ou AVC ?

Vous êtes 39 à avoir répondu à cette question.
Avant de lire les réponses, il est important de comprendre qu’il n’y a sans doute pas une seule étiologie expliquant un recurvatum du genou en phase d’appui chez un patient TC ou AVC et qu’il faut donc évaluer toutes les causes possibles.

Réponses

Pour 53.8 % d’entre vous, un manque de force du quadriceps est impliqué. C’est un facteur possible expliquant partiellement le recurvatum de genou chez le patient neurologique [4, 5].

Pour 48.7 % d’entre vous, un manque de force des ischio-jambiers est impliqué. Peut-être faux.
Cette cause est évoquée par une revue de littérature récente [6] mais il n’y a pas de corrélation démontrée entre un défaut de force des ischio-jambiers et un recurvatum du genou en phase d’appui dans une étude de faible puissance chez des patients AVC [5]. Les données manquent pour exclure les ischio-jambiers comme étiologies.

Pour 30.8 % d’entre vous, une spasticité du quadriceps est impliquée. Peut-être vrai.
Cette hypothèse évoquée par Perry [7] n’est pas confirmée par une étude française récente dans laquelle un bloc moteur a été effectué sur 6 patients AVC ayant un quadriceps spastique (1 au minimum sur l’échelle d’Ashworth modifée par Bohannon) [8]. Cependant la présence d’une spasticité du Triceps Sural (score médian à 2) et le manque de puissance de l’étude ne permettent pas d’extrapoler ces résultats en pratique clinique. Une étude belge parue en 2008 apporte des éléments de réflexion sur ce sujet [9].

Pour 12,8 % d’entre vous, un manque de force des fléchisseurs plantaires est impliqué. Peut-être Vrai.
Il semble y avoir une association entre un manque de force des fléchisseurs plantaires et la présence d’un recurvatum de genou [5].

Pour 48.7 % d’entre vous, une spasticité des gastrocnémiens est impliquée. Faux.
Leur action lors de la phase d’appui de la marche est une flexion de genou [10,11]. Cependant, il ne faut pas négliger leur prise en charge en raison du risque d’équin et de rétraction musculaire présents en cas de spasticité des gastrocnémiens, des conséquences d’un équin sur la marche [12] et du rôle du Triceps sural dans la marche rapide [13] et de contrôle de l’équilibre en freinant le déplacement vertical du centre de masse lors de la marche normale mais ce point est controversé [14].

Pour 23.1 % d’entre vous, une spasticité du soléaire est impliquée. Vrai.
Le soléaire a une action d’extension de genou lors de la phase d’appui de la marche [10,11].

Pour 66.7 % d’entre vous, des troubles proprioceptifs sont impliqués. Peut-être vrai.
Spasticité et proprioception sont étroitement liées notamment par l’implication des fuseaux neuromusculaires et des organes tendineux de Golgi [15].
Une corrélation a été établie entre déficit statesthésique et recurvatum de genou chez des femmes sportives ayant eu une ligamentoplastie du LCA [16].
A notre connaissance, aucune étude n’a recherché une corrélation entre troubles proprioceptifs et recurvatum du genou chez le patient AVC ou TC.
Une évaluation précise de la proprioception semble donc nécessaire.

Interview de Gavin Williams

Afin de compléter les données de la littérature, nous avons contacté Gavin Williams, physiothérapeute australien spécialisé en rééducation neurologique et chargé de recherche.
Voici son interview :

Actukiné (AK) : Many reasons can explain a genu recurvatum (knee hyper-extension) in stance phase when a neurological patient walk. Is it a common impairment ?
Gavin Williams (GW) : Yes, in TBI (Traumatic Brain Injury) it is a common problem.

AK : Do you have a percentage of TBI people who have a genu recurvatum ? What are for you the most common reasons of genu recurvatum in stance phase ?
GW : In our study [3], we found 36% of our sample had genu recurvatum in mid-stance. Causes :

  • Spastic calf assess with Tardieu scale,
  • Tight/contracted calf,
  • Weak quadriceps,
  • Poor control of the quadriceps,
  • Spastic rectus femoris/quadriceps assess with Tardieu scale, patient in prone.

AK : For there causes, which treatment do you apply ?
GW : Spastic calf : botulinum toxin injections and gait training, +/- AFO (Ankle Foot Orthosis) prescription,
Tight/contracted calf : stretches, AFO prescription and gait training,
Weak quadriceps : strengthening and gait training,
Poor control of the quadriceps : strengthening and gait training +/- a knee brace to stop genu recurvatum,
Spastic rectus femoris/quadriceps : botulinum toxin injections and +/- a knee brace to stop genu recurvatum.

AK : Regarding to the activity of the soleus during walking, do you consider it’s often implicated (than Gastrocnemius) in genu recurvatum ?
GW : Yes, often its the soleus but we check both always.

AK : I see you use Tardieu Scale. Do you consider it’s a better tool to assess spasticity ?
GW : We use the Tardieu as it is better at discriminating spasticity from hypertonicity.

AK : Do you identify loss of proprioception as a cause of genu recurvatum ? If yes, which means do you use ?
GW : Proprioception is often a problem, but in the type of patients we see, it is difficult assess and discriminate between the other contributing impairments.

La traduction de l’interview est disponible en pièce jointe.

Conclusion

Citation de Stewart "It is tempting to conclude that equinus with hyperextension can
be blamed on overactivity of soleus (or weakness of gastrocnemius) and crouch and calcaneus on overactivity of gastrocnemius (or weakness of soleus). Unfortunately such simple conclusions are often confounded by the complex interaction of many factors, both primary pathology and secondary compensations"
[10].
Il est souvent tentant de conclure qu’un recurvatum de genou est dû à une spasticité du soléaire (ou une faiblesse des gastrocnémiens) ou une spasticité du quadriceps, etc. Malheureusement, la conclusion de votre évaluation ne pourra pas être catégorique en raison des nombreux facteurs liés à la pathologie primaire ou aux compensations secondaires.

Références

[1] Morris ME, Matyas TA, Bach TM, Goldie PA. Electrogoniometric feedback: its effect on genu recurvatum in stroke. Arch Phys Med Rehabil 1992;73:1147–54. Accès gratuit.
[2] Lehmann JF, Condon SM, Price R. deLateur BJ. Gait abnormalities in hemiplegia: their correction by anklefoot orthoses. Archives of Physical Medicine and Rehabilitation 1987; 68(11): 763–771. Accès payant.
[3] Williams G, Morris M E, Schache A, McCrory P R. Incidence of gait abnormalities after traumatic brain injury. Arch Phys Med Rehabil. 2009; 90: 587-93. Accès gratuit.
[4] Kerrigan DC, Deming LC, Holden MK. Knee recurvatum in gait: a study of associated knee biomechanics. Arch Phys Med Rehabil. 1996 Jul;77(7):645-50. Accès gratuit.
[5] Cooper A, Alghamdi GA, Alghamdi MA, Altowaijri A, Richardson S. The relationship of lower limb muscle strength and knee joint hyperextension during the stance phase of gait in hemiparetic stroke patients. Physiother Res Int. 2012 Sep;17(3):150-6. Accès payant.
[6] Bleyenheuft C, Bleyenheuft Y, Hanson P, Deltombe T. Treatment of genu recurvatum in hemiparetic adult patients: a systematic literature review. Ann Phys Rehabil Med. 2010 Apr;53(3):189-99. Accès payant.
[7] Perry J. Gait analysis: normal and pathological function. Thorofare: Slack Incorporated; 1992.
[8] Gross R, Delporte L, Arsenault L, Revol P, Lefevre M, Clevenot D, Boisson D, Mertens P, Rossetti Y, Luauté J. Does the rectus femoris nerve block improve knee recurvatum in adult stroke patients? A kinematic and electromyographic study. Gait Posture. 2013 Nov 7. pii: S0966-6362(13)00642-5. Accès payant.
[9] Stoquart GG, Detrembleur C, Palumbo S, Deltombe T, Lejeune TM. Effect of botulinum toxin injection in the rectus femoris on stiff-knee gait in people with stroke: a prospective observational study. Arch Phys Med Rehabil 2008;89:56–61. Accès payant.
[10] Stewart C, Postans N, Schwartz MH, Rozumalski A, Roberts A. An exploration of the function of the triceps surae during normal gait using functional electrical stimulation. Gait Posture. 2007 Oct;26(4):482-8. Accès payant.
[11] Viel E. La marche humaine, la course et le saut : biomécanique, explorations, normes et dysfonctionnements. Paris : Masson; 2000.
[12] Kinsella S, Moran K. Gait pattern categorization of stroke participants with equinus deformity of the foot. Gait Posture. 2008 Jan;27(1):144-51. Accès payant.
[13] Liu MQ, Anderson FC, Schwartz MH, Delp SL. Muscle contributions to support and progression over a range of walking speeds. J Biomech. 2008;41:3243-3252. Accès gratuit.
[14] Honeine JL, Schieppati M, Gagey O, Do MC. The functional role of the triceps surae muscle during human locomotion. PLoS One. 2013;8(1):e52943. Accès gratuit.
[15] Michael P. Barnes, Garth R. Johnson. Upper Motor Neurone Syndrome and Spasticity: Clinical Management and Neurophysiology. Cambridge University Press, 24 avr. 2008 – 253 pages.
[16] Loudon JK. Measurement of Knee-Joint-Position Sense in Women With Genu Recurvatum. Journal of Sport Rehabilitation;Feb2000, Vol. 9 Issue 1, p15. Accès gratuit.