Rappels

Chez le patient neuromusculaire (myopathe, SLA, etc.), le système respiratoire n’est pas lésé initialement (sauf co-morbidité associée) mais peut le devenir en raison de la défaillance de ce qui permet à ce système de fonctionner (muscles principalement).

Sur une courbe débit-volume, le patient neuromusculaire va présenter un syndrome restrictif, c’est-à-dire, une diminution de la capacité vitale, de la capacité pulmonaire totale, du débit expiratoire de pointe.
Cela va avoir des conséquences sur l’efficacité de la toux.

La toux va permettre l’expectoration et comprend 4 étapes :
1) Inspiration profonde
2) Fermeture de la glotte
3) Montée en pression intra-thoracique par l’action musculaire
4) Expiration brutale par ouverture de la glotte
A chaque étape, un dysfonctionnement peut être présent et à corriger. Les aides à la toux seront abordées dans un prochain article.

Evaluer la toux

LA question souvent posée : la toux est-elle efficace ?
La réponse peut sembler simple mais les moyens d’arriver à celle-ci ne sont pas toujours très objectifs comme le fait de se baser uniquement sur la présence ou l’absence de contraction volontaire des abdominaux, ou encore sur le bruit réalisé par le patient lorsqu’il tousse.

Un moyen simple, peu coûteux, pouvant être prescrit par le kinésithérapeute existe : le peakflow. Ici, pour évaluer la toux, l’outil est légèrement détourné. La consigne donnée au patient sera "d’inspirer à fond et de tousser très fort" dans le peakflow.
Ceci est alors appelé le Peak Cough Flow (PCF).

Tout comme la spirométrie, la performance au PCF va différer en fonction de la position d’évaluation chez le patient neuromusculaire. Le PCF risque d’être diminué en décubitus par rapport à la position assise. Il est donc important d’évaluer le patient en position assise ET allongée car une toux efficace en position assise pourrait devenir inefficace en décubitus.
Il ne semble pas y avoir d’étude faite à ce niveau. Les données existantes concernent le sujet sain avec mesure du débit expiratoire de pointe et de la capacité vitale forcée.
Une diminution du débit expiratoire de pointe (DEP) a été mise en évidence chez des sujets sains entre la position assise et le décubitus [1,2], ainsi qu’entre la position assise et le laterocubitus droit [2]. Les meilleures performances sont réalisées en position debout [1].

Peak Cough Flow

Chez un sujet sain, il est supérieur à 400-500 L/min. Des normes ont été définies chez l’enfant et l’adolescent [3].
Un débit de 160-180 L/min a été défini comme seuil d’efficacité ou d’inefficacité de la toux. Un patient se situant en dessous de 270 L/min aura besoin d’une aide à la toux [4].
Il faut faire attention aux patients présentant des valeurs limites car le jour où celui-ci tombe malade, son PCF peut descendre en dessous de 180 L/min.

Le risque relatif d’avoir un PCF < 270 L/min lorsque la CVF est < à 2.1 L est 4,8 fois plus élevé. Il est de 3.94 fois plus élevé lorsque le VEMS est < à 2.1L/min [5].
Par ailleurs, dans une étude portant sur 46 enfants ou adolescents (âgés de 4 à 20 ans) présentant une maladie neuromusculaire, un PCF < à 160 L/min est prédictif d’avoir fréquemment des exacerbations respiratoires sévères avec une sensibilité (capacité à donner à un résultat positif si l’hypothèse est vérifiée) de 75 % et une spécificité de 79 % (capacité à donner un résultat négatif si l’hypothèse n’est pas vérifiée) [6].

La diminution de la force des muscles respiratoires, inspiratoires et expiratoires, est modérément corrélée au PCF chez les patients présentant une maladie de Duchenne, d’où l’importance de considérer TOUTES les étapes de la toux [7].

Recommandations

L’utilisation du PCF est recommandée par la British Thoracic Society pour évaluer la capacité à expectorer des patients neuromusculaires [8].
La Haute Autorité de Santé précise dans ses recommandations concernant les "modalités pratiques de la ventilation non invasive en pression positive, au long cours, à domicile, dans les maladies neuromusculaires" que les observations cliniques complétées par une mesure du débit expiratoire de pointe à la toux" ou PCF "constituent le meilleur outil pour la détection d’une toux inefficace" [9].

Une étude récente semble confirmer l’intérêt du PCF pour évaluer l’efficacité de la toux [10].

Dans un prochain article, nous verrons qu’en fonction de la capacité, du PCF, les aides à la toux seront différentes.

Références

[1] Badr C, Elkins MR, Ellis ER. The effect of body position on maximal expiratory pressure and flow. Aust J Physiother. 2002;48(2):95-102.
[2] Gianinis HH, Antunes BO, Passarelli RCV, Souza HCD, Gastaldi AC. Effects of dorsal and lateral decubitus on peak expiratory flow in healthy subjects. Braz J Phys Ther. 2013 Sept-Oct; 17(5):435-441. http://dx.doi.org/10.1590/S1413-35552012005000116
[3] Bianchi C, Baiardi P. Cough peak flows: standard values for children and adolescents. Am J Phys Med Rehabil. 2008 Jun;87(6):461-7. doi: 10.1097/PHM.0b013e318174e4c7.
[4] Bach JR, Ishikawa Y, Kim H. Prevention of pulmonary morbidity for patients with Duchenne muscular dystrophy. Chest. 1997;112(4):1024-8.
[5] Gauld LM, Boynton A. Relationship between peak cough flow and spirometry in Duchenne muscular dystrophy. Pediatric Pulmonology 2005;39(5):457-60.
[6] Dohna-Schwake C, Ragette R, Teschler H, et al. Predictors of severe chest infections in pediatric neuromuscular disorders. Neuromuscular Disorders 2006;16(5):325-8.
[7] Park JH, Kang SW, Lee SC, Choi WA, Kim DH. How respiratory muscle strength correlates with cough capacity in patients with respiratory muscle weakness. Yonsei Med J. 2010 May;51(3):392-7. doi: 10.3349/ymj.2010.51.3.392.
[8] Hull J, Aniapravan R, Chan E, Chatwin M, Forton J, Gallagher J, Gibson N, Gordon J, Hughes I, McCulloch R, Russell RR, Simonds A. British Thoracic Society guideline for respiratory management of children with neuromuscular weakness. Thorax. 2012 Jul;67 Suppl 1:i1-40. doi: 10.1136/thoraxjnl-2012-201964.
[9] Haute Autorité de Santé. Modalités pratiques de la ventilation non invasive en pression positive, au long cours, à domicile, dans les maladies neuromusculaires. Recommandations de bonne pratique. Saint-Denis La Plaine: HAS; 2006.
[10] Tzani P, Chiesa S, Aiello M, Scarascia A, Catellani C, Elia D, Marangio E, Chetta A. The value of cough peak flow in the assessment of cough efficacy in neuromuscular patients. A cross sectional study. Eur J Phys Rehabil Med. 2014 Aug;50(4):427-32. Epub 2014 Jun 3.

Texte basé sur un cours donné par Thibault Coppens dans le cadre de la 2ème année du master en Sciences de la Motricité, orientation générale, finalité spécialisée kinésithérapie en neurologie adulte à l’Université Catholique de Louvain.