Déjà c’est quoi un Master ?

Il convient tout d’abord de faire la différence entre diplôme et grade.

Les « grades » sont des notions très anciennes, qui sanctionnent l’avancée dans des cursus, et donc un niveau de maturité et/ou compétence, sans pour autant préciser de contenu. Au Moyen-Âge, le baccalauréat sanctionnait le passage de simple auditeur muet à celui d’étudiant autorisé à prendre la parole, la licence ouvrait le droit à enseigner et l’assemblée des docteurs constituait la faculté.

Le mot « diplôme » est en fait le terme le plus « ordinaire ». Il vient sanctionner l’achèvement d’une formation, elle-même attachée à un contenu pédagogique et/ou à un référentiel de compétences. Ce mot n’est pas protégé, et peut donc être utilisé par tous les acteurs institutionnels de l’enseignement supérieur, quelle que soit leur nature, public ou non. Il y a une exception à cette liberté de proposer des diplômes : les  termes baccalauréat, licence, master et doctorat sont sous le monopole de l’état. On parle alors de diplôme national de Master par exemple (les écoles de commerces joueront d’ailleurs souvent à délivrer des Mastères pour tromper l’oeil) .

Le Master 2 ou M2 correspond à la 5e année des études supérieures post-bac. Depuis l’avènement du système LMD en 2005, il remplace les anciens DESS (pour le Master professionnel) et DEA (pour le Master recherche). A la fois un grade et diplôme, il permet de valider un niveau bac+5 avec 300 crédits ECTS.

Bien qu’il bénéficie d’une reconnaissance de niveau officiel à bac + 5, un diplôme d’école conférant le grade de master n’est pas équivalent à un diplôme national de master. Il ne doit pas non plus être confondu avec le grade de la fonction publique. Celui-ci est utilisé pour signifier le degré d’avancement dans les échelons du poste occupé. Mais attention, le grade de la rémunération de la fonction publique comme celui des diverses conventions collectives n’est pas rattaché à un grade de l’enseignement, mais bien à un diplôme. Donc question rémunération, ça ne change rien.

Quelles opportunités ?

 

Le grade ouvre par contre la porte à la suite du cursus, he oui, arrivé à bac+5, la suite c’est bac +6 c’est-à-dire la filière doctorante. Loin d’être automatique, il permet à chaque étudiant de « postuler » au cursus sans avoir à repasser par la case master. C’est son niveau, son projet et sa motivation, peut être aussi son carnet d’adresses, qui seront les atouts maitres de son avenir, car il faudra convaincre les écoles doctorantes du bien-fondé de la thèse dans des filières où la rééducation est absente.

Le grade master confère donc officiellement à une profession bac+5, c’est une reconnaissance symbolique et une avancée certaine pour la profession. Toutefois, en dehors des quelques motivés à passer dans la filière doctorante, il ne changera pas le quotidien des 90 000 kinésithérapeutes. La suite serait une véritable universitarisation de la filière qui aboutirait  à un Master cette fois-ci réhabilitation, option kinésithérapie. Là, ça changera la donne. Mais il faudra alors pour tous les kinésithérapeutes déjà diplômés repasser une série d’épreuves, car rappelons le, le diplôme est  attaché à un contenu pédagogique et/ou à un référentiel de compétences, et il faudra prouver qu’ils les ont toutes pour décrocher le précieux sesam (C’est ce qui s’est fait aux US ces 10 dernières années pour le passage au doctorat, des filières de mises à niveau et de validation de l’expérience se sont mises en place pour accompagner les professionnels).

Petite nuance pour les US : Leur système d’enseignement distingue deux types de doctorats : le DPT (doctorat d’exercice) et le PHD (sciences).

En France, les professions médicales (médecin, dentiste, vétérinaires, pharmacien,…) donnent accès à un doctorat d’exercice qui octroie des compétences cliniques et un titre associé mais ne donne en théorie pas le grade de docteur (interdit donc de faire figurer PHD sur sa carte). Le doctorat de sciences, lui, octroie le grade et le titre de docteur, mais pas de prérogatives cliniques. Il est réputé plus exigent et nécessite généralement 3 ans après un master 2. (Merci à Thomas Rulleau pour cet apport).

Concrètement ?

 

En bref, la décision annoncée par Olivier Veran ce lundi est une avancée qui vient reconnaitre les 5 années d’études aujourd’hui obligatoires à l’obtention d’un diplôme de masseur-kinésithérapeute. Cette annonce est donc en adéquation avec le processus de Bologne pour la concordance des systèmes d’enseignement européens  et vient raccorder un peu plus la kinésithérapie avec le système LMD (licence-Master-Doctorat). Rappelons cependant que la WCPT (world-physio) recommande un cursus en 4 années pour former les physiothérapeutes.

Pour l’heure, il est impossible de savoir si cette nouvelle étiquette permettra aux étudiants et professionnels d’accéder à des titres d’exercices à l’étranger via des équivalences.
De même, il est difficile de prédire l’effet d’une telle réforme sur l’accès des jeunes DE à la filière doctorale : comme dans d’autres filières (ingénierie par exemple). Les kinésithérapeutes sont aujourd’hui de plus en plus nombreux à effectuer un M2 en parallèle de leurs études, censé leur apporter les fondements théoriques nécessaires à une poursuite après le M2, la formation initiale de MKDE ne donnant concrètement pas encore les bases nécessaires en matière de méthodologie de recherche pour un doctorat. Sans compter que les possibilités de financement sont rares dans notre domaine.

Quoi qu’il arrive, chaque pas qui rapproche la kinésithérapie d’une universitarisation des cursus nous rapprochera un peu plus d’une pratique généralisée et basée sur les preuves / transparente, et donc probablement plus efficiente.

Ah, et les élections approchent hein !