Un des points faible des outils d’évaluation de la composante de peur/évitement (Fear Avoidance Model) est l’utilisation quasi systématique d’échelles verbales dont les items peuvent paraître vagues pour les patients (c’est le cas, par exemple, du Tampa Scale for Kinesiophobia).

Fort de ce constat, Dennis Turk a développé un système pictural (le PFActS-C ou Pictorial Fear of Activity Scale-Cervical) pour évaluer la notion de peur/évitement chez les sujets souffrants de douleurs cervicales. Notez qu’un système relativement similaire (le PHODA) a été mis au point par nos amis Néerlandais. L’outil consiste en une série de photos montrant des mouvements et positions dans lesquels 4 facteurs de demande biomécanique cervicale varient :
– Direction du mouvement
– Position des bras
– Port/manipulation de charges
– Amplitude du mouvement

355 patients ayant subi un accident automobile ont participé à l’étude: 143 avec des symptômes minimes et 212 avec des symptômes moyens à sévères. Le test de départ comportait 77 photos: 5 d’entre elles faisaient office de contrôle puisqu’elles ne comportaient pas de "stress" direct de la région cervicale. Ces photos étaient présentées aux participants de manière randomisées et on leur demandait de noter à l’aide d’une échelle numérique (0-10): «à quel point seriez-vous préoccupé ou effrayé de réaliser le mouvement que vous voyez sur la photo?». On utilisait le TSK pour évaluer la validité convergente du test en complément des tests suivants: NDI-Neck Disability Index, MPI-Multidimensional Pain Index, PASS-Pain Anxiety Symptom Scale et PCS-Pain Catastrophising Scale. 36 images de situations comportant des amplitudes moyennes ont été retirées pour ne garder que 36+5 images (amplitudes extrêmes car les amplitudes modérées étaient fortement corrélées). 44 sujets ont permis d’évaluer la reproductibilité du test en le passant deux fois à environ 18 jours d’intervalle.

Les mouvements des bras au dessus de la tête créaient une grande crainte chez les sujets, tout comme la manipulation de charge, et l’amplitude importante des mouvements. Il existait un impact de la direction du mouvement dans cet ordre (du plus effrayant au moins effrayant): extension, flexion, inclinaison gauche, rotation gauche, rotation droite, inclinaison droite. Au final, 19 photos on été retenues après une analyse statistique qu’un de nos lecteurs pourra peut être nous expliquer («Principal Components Axial Factoring avec critères de Kaiser Guttman / rotated component matrix et varimax rotation»… à vos souhaits!). La consistance interne de ces 19 items était de 0,978. La stabilité temporelle disposait d’un ICC de 0,856 (0,74-0,92). L’outil était corrélé avec de nombreux items des tests cités ci-dessus (voir le tableau 4) et avec la gravité des symptômes du sujet: 4,29 (sd=2,38) pour les symptômes sévères contre 1,14 (sd=1,45) pour les symptômes faibles.

Voila donc un outil fiable (la cohérence interne, la stabilité et la validité de construction étant bonnes à excellentes) et prometteur pour les physiothérapeutes tant en terme d’évaluation que de traitement. Pour aborder ce dernier point, on pourrait même imaginer utiliser l’ensemble des photos (77items) pour désensibiliser le patient par approche graduelle. Ah oui au fait il y a un petit bémol … le test complet est introuvable sur internet !

Références

Turk DC, Robinson JP, Sherman JJ, Burwinkle T, Swanson K. Assessing fear in patients with cervical pain: development and validation of the Pictorial Fear of Activity Scale-Cervical (PFActS-C). Pain. 2008 Sep 30;139(1):55-62.
En accès libre ici