Dans nos essais cliniques randomisés, le groupe « placebo » est conçu pour limiter les biais provenant de l’évolution naturelle de la maladie, de la régression à la moyenne et des effets placebos. Pour maîtriser ce dernier paramètre, les sujets doivent être aveuglés, c’est à dire qu’ils ne doivent pas savoir à quel groupe ils sont assignés. Pour respecter un aveuglement correct, il est primordial de savoir si les placebos utilisés dans nos essais cliniques sont pertinents.

Une revue systématique a été conduite par deux examinateurs indépendants jusqu’en 2006 sur les essais concernant la lombalgie non spécifique à l’aide des mots clefs suivants : « placebo », « sham », « attention-control », « minimal intervention ». Seuls les traitements conservateurs étaient visés. Les bases de données interrogées étaient MEDLINE, CINHAL, Psychinfo, Cochrane Central Registrer of Controlled Trials et EMBASE. En première intention, la recherche a identifié 1002 études. Ensuite, 126 études ont été incluses à l’analyse. La qualité des études était évaluée à l’aide de l’échelle PEDro. Le score moyen était de 7 (1-10) montrant une qualité moyenne modérée. Les types d’interventions concernées étaient : électrothérapie, acupuncture, manipulation vertébrale, exercices et médicaments.

Voyons d’abord quelques définitions qui vous permettront de mieux appréhender l’article :

Placebo « indistinguable » : la procédure placebo doit être impossible à repérer par le sujet. Les placebos dit « actifs » n’entraient pas dans cette catégorie dans l’analyse car ils risquaient de produire des effets secondaires pouvant compromettre l’aveuglement. De la même façon, les placebos liés à des techniques où l’on traversait la barrière de la peau (acupuncture/injection) se devaient eux-aussi de traverser le derme.

Placebo « inerte » : dans cette étude on classifiait les placebos en « non inertes » si ils concernaient des traitements utilisés en pratique quotidienne.

Placebo « structurellement équivalent » : dans le cas où le placebo est distinguable (par exemple si on utilise un TENS vs une manipulation), il faut qu’il soit structurellement équivalent. Pour évaluer ce paramètre on utilise une liste de critère adaptée de la littérature psychothérapeutique : le placebo utilisé doit répondre au même nombre de séances, longueur des séances, format (groupe ou individuel), niveau d’expérience du thérapeute, individualisation et pertinence de l’intervention au regard de la condition du patient (ex : rester en décubitus ventral ne représente pas un placebo pertinent pour la lombalgie).

« Naïveté » des patients : les sujets ne doivent pas avoir été exposés par le passé à la procédure d’intervention active correspondant au placebo employé. Par exemple si un sujet a déjà effectué des séances d’acupuncture il risque de pouvoir faire la différence avec un traitement d’acupuncture placebo. Dans cette étude, ce critère était observé au regard des critères d’inclusion/exclusion de chaque essai.

Résultats

– Seulement 13% des études (17 essais) fournissaient des informations sur le succès de l’aveuglement. Deux essais signalaient un échec d’aveuglement.
– Seulement 10% des études (14 essais) évaluaient le niveau d’attente de bénéfices des patients (« expectation ») avec 8 études qui reportaient un niveau d’attente plus grand dans le groupe expérimental (biaisant possiblement les résultats).
– Un placebo indistinguable était utilisé dans 58% des études.
– Un placebo clairement inerte était utilisé dans 79% des études.
– 18% seulement des études indiquaient inclure uniquement des sujets « naïfs ».
– Très peu d’études utilisaient à la fois un placebo inerte, indistinguable, équivalent structurellement et avec des sujets naïfs.

Voici quelques chiffres concernant la manipulation vertébrale :
– environ 10% des études utilisaient un placebo indistinguable
– environ 60% un placebo inerte
– environ 40% un placebo équivalent structurellement
– 10% des sujets dits « naïfs »
– 30% évaluaient le niveau d’attente entre les deux groupes
– 20% reportaient un succès dans l’aveuglement des groupes

Conclusion

La gestion du placebo dans nos essais cliniques est particulièrement complexe et délicate et peut créer des biais en terme d’estimation de l’efficacité de nos traitements. L’avenir nous permettra sans doute de corriger ces biais méthodologiques.

Références

Machado LA, Kamper SJ, Herbert RD, Maher CG, McAuley JH. Imperfect placebos are common in low back pain trials: a systematic review of the literature. Eur Spine J. 2008 Jul;17(7):889-904.
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