Question posée. Ce travail [1] évalue l’effet de l’entrainement à la marche par une aide mécanique. Il a pour objectif de répondre à 3 questions : 1- est-ce qu’un ré entrainement à la marche par avec une aide mécanique améliore immédiatement la vitesse et la distance de marche chez des sujets hémiplégiques par rapport à une absence de traitement ou un programme de rééducation sans marche ? 2- est-ce qu’il améliore immédiatement la vitesse et distance de marche par rapport à un programme de rééducation incluant un entrainement de marche au sol ? 3- les bénéfices sont – ils maintenus dans le temps ?
Population. Personnes adultes hémiplégiques en phase aigüe ou chronique qui marchent (score de FAC >=3 ou vitesse de marche >= 0.2 m/s ou capables de marcher sans aide).
Méthodologie utilisée: revue systématique
Intervention
• Expérimentale : entrainement à la marche par aide mécanisée (tapis roulant ou gait trainer) sans suspension du poids du corps
• Comparateur: deux types de traitements comparateurs ont été utilisés. Type 1 : pas d’intervention ou sans programme de rééducation à la marche. Type 2 : intervention avec entrainement à la marche au sol.
Critères d’évaluation. Les auteurs ont spécifié deux critères d’évaluation : la vitesse (typiquement sur 10 mètres) et la distance de marche au sol (typiquement sur 6 minutes)
Résultats. 9 études ont été inclues dont le score moyen sur l’échelle de PEDro = 6.7. Dans toutes les études, le traitement expérimental était réalisé sur tapis roulant. Les participants recevaient de 25 à 40 minutes d’entrainement quotidien, 3 à 5 fois par semaine durant 2.5 à 26 semaines. Le groupe témoin recevait une absence de traitement (3 études), un programme sans exercice de marche (4 études), un entrainement de marche au sol (3 études). Les auteurs rapportent une différence de vitesse de marche de 0.14 m/s (IC 95 % 0.09 – 0.19) en combinant les résultats de 7 études (n= 275 participants) qui comparaient un entrainement avec tapis roulant à l’absence de traitement ou traitement sans exercice de marche. Un effet à distance sur la vitesse de marche (différence moyenne = 0.12 m/s, IC 95 % 0.08-0.17) a été aussi trouvé en combinant les résultats de 4 études. Les auteurs rapportent, à partir des résultats de 3 études, qu’aucune différence significative n’a été trouvée (différence moyenne = 0.05, IC 95 -0.12 0.21) entre l’entrainement sur tapis roulant et la marche au sol. Concernant la distance de marche, les auteurs ont trouvé des résultats comparables avec une augmentation de la distance parcourue (différence = 40m, IC 95 % 24-55) entre l’entrainement par tapis roulant et l’absence d’intervention/pas d’exercice de marche. Pas de différence mise en évidence entre tapis roulant et marche au sol.
Conclusions des auteurs. Les auteurs de ce travail concluent qu’une rééducation sur tapis roulant augmente la vitesse et la distance de marche au sol par rapport à une intervention sans rééducation ou sans exercice de marche. L’effet d’un programme d’entrainement à la marche sur tapis roulant se produirait immédiatement après l’arrêt du programme et à distance du programme de rééducation. La rééducation sur tapis roulant devrait être proposée aux personnes hémiplégiques qui marchent dont l’objectif principal serait d’améliorer la vitesse et la distance de marche au sol.
Commentaires Actukine
Cette étude est une revue systématique publiée en 2013 dans le journal de physiothérapie (association des physiothérapeutes australiens).
Les résultats sont-ils valides ?
Pour appuyer notre analyse, nous avons utilisé la grille AMSTAR qui permet d’évaluer la qualité de réalisation d’une revue systématique. Après une évaluation par 2 lecteurs indépendants et consensus, nous lui avons attribué un score de 4/11 (détail de l’évaluation en pièce jointe). Parmi les 11 items de la grille, 3 items n’ont pu être évalués, car les informations n’étaient pas disponibles dans le texte de l’article. Dans l’état, ce score indique l’existence de faiblesses qui peuvent limiter la validité des résultats. Elles concernent surtout l’absence de prise en compte de la qualité méthodologique des essais cliniques inclus sur l’estimation de l’effet global de l’intervention et lors de la conclusion des auteurs. L’impact des biais de réalisation et de performance ont été minimisés par les auteurs. Tous les participants avaient connaissance du traitement reçu. Il n’est pas certain que l’absence d’aveugle n’ait pas eu une d’influence sur les effets des interventions. Les résultats concernant la comparaison avec la rééducation à la marche au sol ne sont pas pris en compte dans la conclusion des auteurs. De même, l’effet d’un biais de publication sur l’estimé n’est pas mentionné par les auteurs. Le nombre d’essais cliniques inclus pour chaque comparaison variait de 3 à 7 et était insuffisant pour réaliser un Funnel plot. Cette interrogation est renforcée par une stratégie de recherche qui est limitée principalement aux bases de données électroniques qui ne permet pas une recherche étendue des essais cliniques comme les abstracts de congrès, la littérature grise ou les références des études incluses. Cette stratégie limitée favorise le biais de publication.
Quels sont les résultats
L’hétérogénéité statistique semble avoir été testée, mais n’est pas rapportée dans le texte de l’article (item 9 grille AMSTAR) ne permettant pas de vérifier la justification d’un modèle à effet fixe pour estimer l’effet combiné des études incluses. Une hétérogénéité semble pourtant envisageable due à une variation des caractéristiques des sujets au sein des différents échantillons (gravité, lésion, ancienneté, etc.), des performances de base différentes entre les études (non prise en compte par l’analyse), un effet dose/traitement qui n’est pas analysé. La durée quotidienne des séances a varié (variation de 1 à 1.6) quotidiennement et dans la durée globale selon les études ( variation de 1 à 10). On pourrait s’attendre à un effet plus grand chez ceux qui ont eu la dose d’entrainement la plus forte. Les signes d’une hétérogénéité sont visibles sur la figure 1b où il n’y a pas de recouvrement des intervalles de confiance des effets des études de [2] Ada et de [3] Kuys suggérant qu’elles ne partagent pas d’effet commun.
Puis-je appliquer ces résultats à mes patients ?
Les résultats de ce travail semblent s’appliquer difficilement dans l’état aux prises en charge de nos patients. En effet, l’effet principal rapporté par les auteurs est une augmentation de la vitesse de marche de 0.14 m/s (effet maximal possible de 0.19 m/s) par comparaison avec une absence de prise en charge confirmant les résultats déjà connus que les performances des patients hémiplégiques peuvent s’améliorer lorsqu’ils reçoivent une rééducation basée sur des principes d’entrainement, quel que soit le type d’entrainement. Lorsque l’effet de l’entrainement sur tapis roulant chez des personnes hémiplégiques pouvant marcher est comparé à une rééducation réalisée sur sol, il n’existe pas de différence statistique et cliniquement utile mise en évidence. Ce résultat est en accord avec celui de la revue systématique Cochrane réalisée par [4] Mehrholz et coll qui ont analysé 23 essais cliniques incluant 999 participants. Leurs conclusions suggèrent que l’entrainement à la marche par aide robotisée est un complément de la rééducation qui peut être efficace en phase précoce pour retrouver une marche indépendante. Aucun effet n’a été observé sur la vitesse et la distance de marche immédiatement et à distance après l’arrêt de l’entrainement. Il est à noter qu’on ne dispose pas à ce jour de données dose/effet permettant de savoir si une dose d’entrainement plus élevée (fréquence, résistance) augmenterait les effets de cette forme de rééducation. Les résultats de plusieurs études d’observations semblent aller dans ce sens. Un essai clinique avec une méthodologie robuste est nécessaire. Les effets délétères n’ont pas été systématiquement recherchés ni rapportés. Dans l’étude de [5] Duncan et coll, un nombre de chutes semble plus important chez les participants qui ont reçu l’entrainement intensif par tapis roulant et suspension.
Conclusion actukiné, cette revue systématique présente plusieurs faiblesses qui mettent en cause la fiabilité des conclusions des auteurs. L’efficacité de l’entrainement à la marche par aide mécanique ne semble pas avoir démontré son efficacité par rapport à une rééducation au sol pour améliorer les performances à la marche chez les personnes ayant une hémiplégie. Nous manquons à ce jour de données pour évaluer les effets d’un entrainement intensif en terme de bénéfices ou de risques.
L’auteur indique ne pas avoir de conflit intérêt en lien avec cette étude.
Cet article a été réalisé avec la collaboration de S Rostagno.