Questions posées
1) Est-ce que l’ESC augmente la force musculaire après AVC ? Est-ce que les bénéfices sont maintenus après la période de traitement ou transposé aux activités ?
2) Quel est l’effet de l’ESC sur la force musculaire chez le patient AVC comparé à tout autre type de renforcement musculaire ?
3) Quels sont les effets de différents modes ou doses d’ESC sur la force musculaire après AVC ?
Population
Les patients ayant eu leur AVC il y a moins de 6 mois étaient catégorisés comme "sub-aiguës", ceux ayant eu leur AVC il y a plus de 6 mois comme "chroniques".
Méthode
Seuls des essais contrôlés randomisés ou quasi-randomisés ont été inclus.
Intervention
Electrostimulation qui produit des contractions musculaires répétées fortes ayant pour but d’augmenter la force musculaire.
Comparateurs
ESC vs placebo/pas d’intervention ou tout autre intervention n’ayant pas pour but d’augmenter la force musculaire.
ES vs tout autre forme de renforcement musculaire.
ES vs différentes doses/modes d’ES
Critères d’évaluation
La force musculaire évaluée manuellement, par dynamométrie, etc.
L’activité a été évaluée via des mesures de performance (Box and Block test, Action Research Arm Test, etc.). Les mesures générales (comme l’index de Barthel) ont pu être utilisées.
Résultats
Le score PEDro moyen de ces études était de 5.
L’âge des participants allait de 52 à 75 ans. Le délai post-AVC allait de 1 semaine à 6 mois (9 essais cliniques) ou de 2 à 5 ans (7 essais cliniques).
10 essais comprenaient des participants "très faibles", 6 des "faibles".
L’intervention expérimentale était de l’ES (10 essais cliniques), ES position-triggered (1 essai), ES déclenchée par EMG (3 essais) ou une combinaison d’ES et ES-EMG ou d’ES position-triggered.
ESC vs pas d’intervention /placebo
A la fin du programme d’ESC, la taille de l’effet en combinant 11 études était de 0.47 (95% CI 0.26to 0.68) en faveur de l’ESC.
A distance du programme, l’effet était en faveur de l’ESC 0.33 (95% CI 0.07 to 0.60).
L’effet sur la force musculaire semble plus important chez les patients "faibles" 0.66 (95% CI 0.21 to 1.11) que chez les patients "très faibles" 0.40 (95% CI 0.17 to0.65).
Il est aussi plus important chez les patients en phase sub-aiguë 0.55 (95% CI 0.28 to 0.81) que chez les patients en phase chronique 0.33 (95% CI −0.02 to 0.69).
Activité
6 études ont évalué l’effet sur l’activité. A la fin du programme d’ESC, le taille de l’effet de celles-ci était de 0.30 (95% CI 0.05 to 0.56) en faveur de l’ESC.
A distance du programme (4 études), l’amélioration de l’activité par l’ESC se maintient avec un effet de 0.38 (95%CI 0.09 to 0.66).
ESC vs d’autres formes de renforcement musculaire
ESC vs autres doses/modes d’ES
Conclusion des auteurs
Cette technique pourrait être utile chez des patients présentant des troubles cognitifs ou avec une faiblesse importante les empêchant de faire des exercices de renforcement musculaire seuls.
Cette revue systématique montre aussi que l’ESC a non seulement un effet sur la force musculaire, mais aussi sur l’activité, avec des bénéfices maintenus à distance de l’intervention.
D’autres études sont nécessaires pour évaluer si l’ESC est plus efficace que d’autres formes de renforcement musculaire.
Commentaires Actukiné
L’évaluation de la qualité de la revue systématique a été faite à l’aide la grille AMSTAR. Le score attribué est de 6/11 (pdf en pièce jointe).
Les 2 limites principales de cette revue sont la non prise en compte de la qualité méthodologique des études inclues pour formuler la conclusion (nous pourrions dire que les auteurs sont enthousiastes) et le risque de présence d’un biais de publication. Sur ce dernier point, aucun Funnel Plot n’a été réalisé et aucune recherche de littérature grise (actes de congrès, thèses, mémoires, protocoles, etc.) n’a été effectuée.
L’hétérogénéité statistique a dû être testée, mais ce n’est pas rapporté dans le texte de l’article.
Devant la grande variabilité clinique présente en combinant ces études (âge, délai post-avc, type d’AVC, genre) et concernant les modalités du programme d’ESC (fréquence, durée, etc.), une hétérogénéité est possible, surtout pour le critère d’évaluation "activité" où certains intervalles de confiance ne se recouvrent pas (Sin et Yan 2005 par exemple) pour l’évaluation de l’effet immédiat à la fin du programme.
Puis-je appliquer ces résultats à mes patients ?
Les résultats montrent surtout un effet sur la force musculaire en comparant à un placebo/pas de renforcement musculaire, cependant dans certaines études les 2 groupes pouvaient recevoir un traitement conventionnel (souvent Bobath) ou pas de traitement en plus de l’ESC (2 études, Hui-Chan et Shin). Il faudrait recalculer l’effet en enlevant ces 2 études afin de préciser si l’ESC est un moyen complémentaire efficace pour améliorer la force musculaire. A la lecture du forest plot, peut-être que oui, mais à confirmer.
La modalité optimale entre ESC classique, déclenchée par EMG ou par la position du membre n’est pas connue.
L’ESC ne semble pas supérieure à d’autres formes de renforcement musculaire.
Par contre, il semble intéressant d’observer les effets sur l’activité qui est peut-être une cible encore plus importante en réadaptation. Malheureusement, il y a surement une hétérogénéité des études et à priori très peu d’effet en tant que moyen complémentaire si on exclue les études de Shin et Hui-Chan (sans traitement conventionnel appliqué aux 2 groupes) avec des intervalles de confiance qui croisent la ligne médiane.
Ne mettons pas complètement l’ESC au placard. Il existe quelques preuves d’effets sur la spasticité en complément de la technique Bobath au membre inférieur [1] ou d’étirements au membre supérieur [2], mais avec des résultats contradictoires si l’ESC est utilisée en complément de la kinésithérapie au membre supérieur [3].
L’ESC en complément de la kinésithérapie permet aussi de limiter la perte d’amplitude articulaire du poignet chez des patients moins de 6 semaines après leur AVC, par rapport à une kinésithérapie seule [3].
Conclusion d’Actukiné
Il y a plusieurs faiblesses dans cette revue systématique (biais de publication, hétérogénéité) qui mettent en cause une partie de la conclusion des auteurs concernant l’effet de l’ESC sur l’activité chez des patients AVC.
L’ESC, en complément de la kinésithérapie, est un moyen utile mais pas exclusif pour améliorer la force musculaire après AVC.
Référence de la revue systématique
Références
[2] Sahin N, Ugurlu H, Albayrak I. The efficacy of electrical stimulation in reducing the post-stroke spasticity: a randomized controlled study. Disabil Rehabil. 2012;34(2):151-6.
[3] Malhotra S, Rosewilliam S, Hermens H, Roffe C, Jones P, Pandyan AD. A randomized controlled trial of surface neuromuscular electrical stimulation applied early after acute stroke: effects on wrist pain, spasticity and contractures. Clin Rehabil. 2013 Jul;27(7):579-90.