Durant votre vie de thérapeute, vous avez surement dû entendre un de vos patients vous expliquer qu’il a stoppé la course à pied sur des conseils avisés de son spécialiste. La « logique » pousse peut-être certains praticiens à recommander « l’épargne » à leurs patients lombalgiques en pensant, par exemple, que le running constitue une activité compressive (« tassante ») pour les disques intervertébraux (DIV) – on laisse de côté la relation douleur/état du disque (vous commencez à connaitre la maison!). Cette conduite de non-sollicitation (ou en tout cas de contrôle minimaliste de la contrainte) est remise en cause depuis plusieurs années pour la plupart des structures constituant notre corps (os, muscles, tendons, etc.) : des mises en charge adaptées et répétées de ces tissus forcent leurs adaptations et ont démontré une efficacité thérapeutique. Concernant le DIV, nous n’avions jusqu’ici pas grand-chose à se mettre sous la dent sauf chez les rongeurs (1, 2) où des études montraient l’impact bénéfique de certaines activités physiques sur la trophicité des disques. Et chez l’homme alors ?

Un travail récent (3) évoque la possibilité d’impacter positivement la morphologie du DIV par l’exercice physique de type course à pied. Cette étude transversale a cherché à comparer la trophicité des DIV lombaires entre des sujets ne faisant pas de sport depuis au moins 5 ans, des joggers (20-40 km/sem depuis au moins 5 ans) et des coureurs à pied sur long distance (+ 50km/sem depuis au moins 5 ans) . 79 participants, hommes et femmes âgés entre 25 et 35 ans ont participé à cet essai. Les instruments de mesure utilisés étaient l’IRM (analyse en T2) et l’accélérométrie (un dispositif était porté en permanence durant une semaine).

Les résultats ont montré une meilleure hydratation et des niveaux plus importants de glycosaminoglycanes (GAG) des disques des deux groupes de coureurs à pied par rapport au groupe non-sportif. Il existait des preuves d’hypertrophie des DIV chez les coureurs de longue distance dont la hauteur relative des DIV par rapport aux corps vertébraux était plus importante. Le temps total d’activité physique n’était pas en lien avec ces adaptations mais les amplitudes d’accélérations si. La fourchette d’accélération associée à des hauteurs plus grandes en T2 se situait entre 0.44 et 0.59g. Celle-ci correspond approximativement à une marche rapide / course lente se situant aux alentours de 2m/s (environ 7 km/h).

Deux conclusions :
1/ Pas de panique, il ne s’agit que d’une étude transversale qui montre des associations mais ne peut éviter des biais de confusion
2/ Peut-être faut-il relire le lièvre et la tortue : « rien ne sert de courir (vite ?) il faut partir à point (mais d’un bon pas ?) »

Références

(1) Brisby, H. et al. The effect of running exercise on intervertebral disc extracellular matrix production in a rat model. Spine 35, 1429–1436 (2010).
(2) Sasaki, N. et al. Physical exercise affects cell proliferation in lumbar intervertebral disc regions in rats. Spine 37, 1440–1447 (2012).
(3) Belavý DL, Quittner MJ, Ridgers N, Ling Y, Connell D, Rantalainen T. Running exercise strengthens the intervertebral disc. Sci Rep. 2017 Apr 19;7:45975. En accès libre ici