Cette année, j’avais très envie de fêter le 50ème anniversaire de la théorie du portillon (le ”Gate Control”) de Melzack et Wall… manque de bol, ces deux zigotos ont publié leur papier révolutionnaire dans Science en 1965 (1). Laissons donc les cotillons et le gâteau pour l’an prochain et, dans l’attente, penchons nous sur cet article historique. Vous allez me dire (je sais je fais souvent la conversation tout seul) : mais pourquoi Actukiné nous parle-t-il d’un article aussi archaïque ? La réponse tient à la fois dans la dernière publication de Mendell (2) qui a lui aussi décidé de fêter cet anniversaire en avance et, à la fois dans la petite expérience à laquelle je me suis adonné tout récemment …

Aujourd’hui, j’ai posté la question suivante sur 3 groupes d’échanges professionnels en physiothérapie d’un réseau social très connu : ”Vous connaissez le Gate Control ? Je cherche à l’expliquer avec des mots simples à des étudiants et à des patients : une idée ?”

J’ai obtenu environ une cinquantaine de réponses. Je remercie au passage chaleureusement toutes les personnes qui se sont prêtées au jeu : les réponses étaient pertinentes. Toutes les réponses apportées expliquaient bien comment il est possible d’inhiber la douleur via la fermeture du portillon par stimulation (”compétitive”) ascendante périphérique (mécanisme ”bottom-up”). En revanche, aucune réponse ne mentionnait l’impact des mécanismes descendants sur le système (mécanisme ”top-down”).

Évidemment, je ne peux pas nier avoir eu une petite idée (vicieuse?) derrière la tête quand j’ai décidé de poser ma question : j’avais envie de montrer comment on avait ”historiquement” oublié de parler du rôle des centres supérieurs sur le portillon ou plutôt comment on l’avait assimilé au fil des ans à une histoire de compétition entre deux types d’afférences ; bref, comment on l’avait réduit au seul fait d’utiliser un geste périphérique pour fermer la porte à la douleur alors que l’article original intégrait déjà (en 1965!) le contrôle central !

Au final, retenons que le portillon est un lieu de passage d’un flux d’informations dont la gestion du débit peut se faire à la hausse/baisse par influences ascendante/descendante. Il m’était en tout cas impossible de ne pas évoquer un article aussi important dans une série consacrée à la douleur. Alors avec un peu d’avance : joyeux anniversaire au Gate Control !!!

Annexe 1 : un schéma best-seller et … de mauvaises contrefaçons …

Le schéma de l’article de Melzack et Wall (ci-dessus) mentionne bien l’impact du contrôle central sur le portillon. En jetant un coup d’œil sur plusieurs sites web, on s’aperçoit que cette influence centrale a tout bonnement disparu de certains schémas (voir l’exemple ci-dessous) !

Annexe 2 : un florilège de passages (1) en lien avec la modulation centrale du portillon …

”while some central activities, such as anxiety or excitement, may open or close the gate for all inputs at any site on the body, others obviously involve selective, localized gate activity”

”the influence of central activities on the sensory input may take place at a series of levels. The gate control system may be set and reset a number of times as the temporal and spatial patterning of the input is analyzed and acted on by the brain.”

”we propose that the presence or absence of pain is determined by the balance between the sensory and the central inputs to the gate control system. In addition to the sensory influences on the gate control system, there is a tonic input to the system from higher levels of the central nervous system which exerts an inhibitory effect on the sensory input”

”the model suggests that psychological factors such as past experience, attention, and emotion influence pain response and perception by acting on the gate control system.”

Références

(1) Melzack R, Wall PD. Pain mechanisms: a new theory. Science. 1965 Nov 19;150(3699):971-9. Review.

(2) Mendell LM. Constructing and deconstructing the gate theory of pain. Pain. 2014 Feb;155(2):210-6.
Lien vers l’abstract