Ce travail se focalise surtout sur la compatibilité entre thérapie manuelle et PNE (1). A première vue en effet, ces deux dimensions peuvent sembler contradictoires : alors que la PNE s’attelle à combattre le « tout biomédical » et constitue une technique hands-off, la thérapie manuelle (hands-on) porte un intérêt marqué pour les tissus bien que l’essor de la neuro-imagerie fonctionnelle ait commencé à faire réfléchir les thérapeutes sur les impacts de leurs techniques manuelles sur le système nerveux central. Ainsi, depuis quelques années, la thérapie manuelle orthopédique s’est attachée à vouloir intégrer des courants hands-off en changeant de paradigme.

Dans cet article, les auteurs proposent en guise de punchline un modèle éducatif basé sur la PNE pour utiliser les thérapies manuelles (TM). Je m’emballe peut-être mais j’y vois un tournant puisqu’il est ici (enfin) question d’éducation à la douleur « préalablement » à l’utilisation de TM. Ce « préalable » reste encore à bien définir. Ici, les auteurs montrent comment on peut expliquer une technique manuelle à travers des données neuroscientifiques et aussi, comment des techniques hands-on peuvent constituer un point de départ vers des techniques plus actives comme l’exercice physique. Ils citent aussi une de leur étude (2) où une technique manuelle (une mobilisation centrale postéro-antérieure de grade II) a été appliquée à deux groupes de patients : l’un auquel a été donné des explications biomécaniques traditionnelles et l’autre des explications de PNE. Alors que certains paramètres ne différaient pas entre les deux groupes, le SLR (Straight Leg Raise) était significativement amélioré dans le groupe PNE.

En attendant de futurs travaux étudiant la relation entre PNE et TM, voici un exemple de discussion entre un patient et son praticien utilisant cette approche combinée:

Thérapeute (T): « Pouvez-vous vous allonger sur la table pour que je puisse traiter votre genou ? Je vais appliquer des techniques manuelles pour activer les systèmes analgésiques orchestrés par votre cerveau comme je vous l’ai expliqué la fois passée. Vous vous souvenez ? »
Patient (P) : « Est-ce que vous faites allusion au « filtrage des spams » qui fonctionne moins bien dans mon système nerveux ? Oui je me souviens. »
T : « Exactement ! Appliquer des techniques manuelles sur votre genou va temporairement améliorer votre filtrage de spams, vous permettre d’avoir moins mal et de bouger mieux votre genou. On est d’accord ? »
P : « Oui ça semble bien. Est-ce que j’ai quelque chose à faire à part rester allongé ? »
T : « Pour le moment rien d’autre à faire mais souvenez-vous que mes traitements hands-on ne peuvent que temporairement activer votre système antidouleur. Cela ne va durer que 45min au mieux. En revanche, il existe une manière de l’activer plus longuement et vous pouvez le faire par vous-même. Avez-vous une idée du moyen pour garder activé votre système de filtrage de spams ? »
P: « On a parlé la fois passée des exercices pour ça non ? »
T : « Absolument – vous en pensez quoi de faire quelques exercices à la maison ? »
P : « Comme je m’attendais à en faire dans un programme de kinésithérapie, cela me semble logique d’investir du temps là-dedans »
T : « Parfait. Il ne tient qu’à vous de démarrer les exercices après le traitement. Après les techniques manuelles que je vais faire maintenant, je vais vous montrer comment fonctionnent les exercices. On en fera quelques-uns ensemble puis on programmera le travail à la maison. Démarrons d’abord par le traitement manuel si vous voulez bien. »

Références

(1) Louw A, Nijs J, Puentedura EJ. A clinical perspective on a pain neuroscience education approach to manual therapy. J Man Manip Ther. 2017 Jul;25(3):160-168. doi: 10.1080/10669817.2017.1323699. Epub 2017 May 22.
(2) Louw A, Farrell K, Landers M, et al. The effect of manual therapy and neuroplasticity education on chronic low back pain: a randomized clinical trial. J Man Manipulat Ther. 2016;1–8.