Pas simple d’écrire une note de blog à propos de « conseils » quand on fait de l’entretien motivationnel (EM). Certes, en EM plus qu’ailleurs, il est interdit d’interdire… Certes, l’EM prône une certaine flexibilité psychologique dans les styles conversationnels employés (diriger, guider, suivre) … Il n’empêche : proposer des conseils pour appliquer l’EM dans sa pratique clinique est délicat sans connaitre la personne qui pourrait les solliciter.
Tant pis pour les tergiversations, allons-y gaiement et souvenons-nous de l’adage quelque peu modifié pour l’occasion : l’homme propose, le lecteur dispose !
L’EBP/EBM est un triptyque bien connu de nos lecteurs. Je le qualifierai volontiers de triptyque d’expériences : celles du patient (valeurs, préférences, attentes, idées, etc.), celles du soignant (dimensions similaires à celles du patient auxquelles s’ajoutent la dimension professionnelle avec le raisonnement clinique, les habiletés techniques, réflexives, etc.) et celles de la démarche scientifique (données probantes). Naviguer avec le patient au milieu de ces expériences requiert savoir, savoir-faire et savoir-être au service de la nuance et du compromis. Exerçant depuis 20 ans et enseignant depuis 10 ans, je pense désormais savoir où apprendre des données dites factuelles : ouf !
En quelques années, la profession s’est organisée et a œuvré pour produire et diffuser de nombreuses connaissances. En revanche, je trouve encore difficile de savoir où s’informer quant aux deux autres dimensions. Je vous passe la demi-tonne d’articles scientifiques qui expliquent que les praticiens sont trop « BIO » en rapport au modèle BPS, trop « centrés sur eux-mêmes » en rapport à la centration sur le patient. Idem avec l’autre demi-tonne d’articles qui documentent les limites de nos enseignements en la matière.
Comment et où apprendre cela ? Comment et où rafraichir son raisonnement clinique ? Comment et où augmenter ce que je nommerais « expérience active » (engranger de l’expérience clinique avec un auto- et un hétéro-feedback par opposition à de l’expérience « passive » où le thérapeute gagne en années d’expériences cliniques non réflexives en répétant inlassablement des mouvements thérapeutiques basés sur les mêmes schémas cognitifs) ?
S’il existe des éléments de réponses à ces questions, peut-on affirmer qu’elles pèsent suffisamment pour « équilibrer » le triptyque ? J’arrête là sinon ce billet va se terminer en édito dont je n’ai sans doute pas la carrure…
Il me semble que l’entretien motivationnel est une des réponses possibles aux questions précédentes : il peut par exemple constituer le chainon manquant à beaucoup d’approches thérapeutiques somatiques en délicatesse avec l’aspect psycho-social du soin.
Tuons donc un mythe : l’EM n’est pas qu’une approche clinique de la motivation ! Même si le cœur de l’EM réside dans le processus dit « d’évocation » où le patient est invité à réfléchir/argumenter le changement, l’EM pose comme socle les notions d’engagement
(relation thérapeutique) et de focalisation (objectifs). Ainsi, l’EM enseigne au thérapeute ce « comment être avec » (esprit/posture du soignant basés sur le partenariat, l’altruisme, l’empowerment, l’acceptation, etc.) qui accompagne le quoi faire/quoi dire plus technique. Le recours systématique à des temps d’inter/supervisions* nourrit quant à lui l’expérience active du thérapeute.
Si je prêche à des convaincus ou bien si vous avez simplement ouvert cette page pour y trouver quelques informations opérationnelles, je stoppe la promotion de l’EM et vous propose un petit top 5 d’idées à mettre en pratique dans vos consultations suite au webinaire de début novembre*.
IDEE 1 : ETRE LA POUR PARLER CHANGEMENT !
Enfoncer une porte ouverte ? Pas si sûr si on en croit la littérature : le thérapeute est souvent un facteur limitant car il peut éviter l’abord de certain sujet avec le patient (tabac, alcool, perte de poids, etc.). Chaque consultation avec un professionnel de santé pourrait être un lieu de discussion à propos de comportements en lien avec la prévention. Pourtant de nombreux sujets sont évités par les soignants et leurs patients pour diverses raisons (pas le bon endroit, pas le bon thérapeute, pas le temps, etc.). Le thérapeute peut,
s’il le souhaite, se saisir de l’occasion de la consultation pour aborder, soutenir ou amplifier le sujet du changement. Il est donc question de volonté du praticien de faire face à/avec ses propres croyances et pas seulement faire face à/avec celles du patient. OSEZ et soyez prêt à accueillir toutes les idées du patient et les vôtres !
IDEE 2 : SOIGNEZ VOTRE POSTURE (mais pas celle des posturologues…)
Toucher votre nez avec votre pisiforme droit est une commande simple à comprendre (tiens, il y en a qui essaie devant leur PC… hum). Améliorer sa posture thérapeutique (en rapport à l’esprit de l’EM) où l’on évoque implicitement des notions comme l’alliance
thérapeutique, le partenariat, l’acceptation, etc. n’est pas aussi facile à mettre en œuvre. A la question classique des néophytes sur le « comment être ? », je répondrais simplement de commencer par utiliser fréquemment la « demande de permission de ».
Par exemple, dire : « seriez-vous d’accord pour qu’on évoque ensemble le sujet XXX ? » constitue un bon début. « Demander la permission de » est une action simple qui contribue à instaurer le partenariat avec le patient qui alimente à son tour l’alliance
thérapeutique.
IDEE 3 : MAITRISEZ A FOND LES OUTILS DE l’EM
C’est la consigne « number one » des formateurs en EM. Nous sommes TOUS en biais de surestimation vis-à-vis de la technicité en EM alors il faut travailler. Aucun entretien n’est parfait et il y a toujours des choses à améliorer techniquement quand on se réécoute
(intervision/supervision). PRATIQUER puis RE-PRATIQUER et enfin RE-RE-PRATIQUER…
IDEE 4 : … MAIS LAISSEZ PARFOIS TOMBER LES OUTILS DE L’EM
A force de se focaliser sur la technique et le « comment », il arrive qu’on en oublie l’essentiel : « à quoi sert la technique ». Il est tout à fait possible d’utiliser parfaitement les outils techniques de l’EM… pour parler de la pluie et du beau temps ! QUESTIONNER LE
CHANGEMENT passe par des aspects techniques mais aussi, et comme dit au point 1, par une discussion qui est orientée vers le changement (interroger le patient à propos de ses désirs, capacités, raisons, besoins, etc.).
IDEE 5 : PENSEZ A GEORGES
Faites de l’écologie mais pas d’économie avec ce conseil : si les capsules en aluminium polluent, le message de Georges Clooney n’en reste pas moins fondamental si vous souhaitez « épaissir » la conversation autour du changement. « Quoi d’autres ? »
devrait être votre nouveau mantra. Nous voyons beaucoup de praticien terminer un entretien motivationnel bref en étant à court d’idées pour guider le patient. Une des raisons est qu’ils balayent trop rapidement des thèmes sans aider le patient à développer
ses dires : en d’autres termes : ils posent trop de questions et n’utilisent pas assez les reflets complexes pour descendre en profondeur dans le monde du patient. SI le ratio 1/3 ou ¼ est célèbre en EM (1 question ouverte pour 3 ou 4 reflets), chaque entretien
devrait comporter de nombreux « quoi d’autres » pour favoriser le travail du patient autour de changement.
Au plaisir de vous rencontrer avant la fin du monde (dépêchez-vous ?!)
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