Il est aujourd’hui établi que la présence d’une allodynie constitue un marqueur de la sensibilisation centrale. C’est sans doute à partir de ce constat qu’une équipe de chercheurs a décidé d’étudier la présence possible d’allodynies chez des patients porteurs de lombalgie avec irradiation dans le membre inférieur*.

74 patients porteurs d’une lombalgie avec irradiation dans au moins un membre inférieur, 15 patients avec lombalgie axiale (sans irradiation), 22 sujets sains et 5 patients avec un CRPS ont participé à cette étude. Il est intéressant de jeter un œil au paragraphe citant les critères d’inclusion et d’exclusion qui définissent avec pertinence chaque catégorie diagnostique.

Une allodynie a été recherchée chez l’ensemble de ces patients (au niveau lombaire et aux membres inférieurs) au moyen d’une évaluation de type QST (Quantitative Sensory Testing). Le protocole retenu par l’équipe pour cette évaluation est assez intéressant car il semble réalisable facilement en pratique clinique. Les stimuli des tests visaient à détecter 5 types d’allodynie:
– Allodynie Tactile Statique (par pression d’1sec/7sec au monofilament de Von Frey de 4.74)
– Allodynie Tactile Dynamique (glissé d’1sec sur 4cm avec ce même monofilament)
– Allodynie Tactile Dynamique évoquée par brossage (brosse à dents, 1sec sur 4cm)
– Allodynie Tactile Dynamique évoquée par un coton (mêmes composantes)
– Allodynie évoquée par le froid (toucher d’1sec avec une boule de coton imbibée d’éthanol 95%)

61% des sujets avec lombalgie et irradiation déclaraient ressentir une allodynie sur la jambe symptomatique lors de l’interrogatoire (ce n’était pas le cas pour les sujets avec lombalgies axiales et pour les sujets sains). Parmi eux, 91% avaient plus d’une des allodynies décrites ci-dessus à l’examen (en moyenne 2.8 ± 1.6 type d’allodynie par patient). 87.5% avaient une allodynie tactile statique (testée sur 7s) ; 74% des sujets reportaient une allodynie tactile statique dans le dermatome primaire ; 58% une allodynie au froid et 54% une allodynie tactile dynamique (coton/brosse/monofilament). Certains lombalgiques avec irradiation avaient aussi une allodynie au niveau lombaire. Chez le lombalgique axial, l’allodynie n’existait qu’au niveau du lombaire. Le degré d’allodynie tactile dynamique était corrélé à l’intensité de la douleur.

Bien qu’il faille rester prudent et attendre de nouvelles études pour confirmer le travail des auteurs, il semble intéressant de rechercher une allodynie dans la lombalgie avec irradiation. En effet, le processus d’allodynie dans le membre inférieur douloureux semble démontrer à lui seul l’existence d’un processus neuropathique dans les afférences du ramus ventral, confirmant l’état de sensibilisation centrale.

Les implications cliniques sont majeures : intégration d’une évaluation clinique de l’allodynie qui, si elle existe, pourrait permettre de confirmer l’implication d’une activité du ramus ventral conduisant à la sensibilisation centrale (donc un diagnostique différentiel avec une douleur somatique référée) ; traitement de la sensibilisation centrale par médication adéquate et monitoring de son évolution (pronostic) par évaluation type QST… tout un programme !

Référence

* Defrin R, Devor M, Brill S. Tactile allodynia in patients with lumbar radicular pain (sciatica). Pain. 2014 Dec;155(12):2551-9. doi: 10.1016/j.pain.2014.09.015. Epub 2014 Sep 19.
Abstract ici