Nijs revient très succinctement sur quelques caractéristiques de la sensibilisation centrale : il y a à la fois sensibilisation (hausse de facilitation) par exemple via des mécanismes synaptiques de type LTP (Long Term Potentation) et baisse d’inhibition notamment par dysfonctionnement des mécanismes liés aux voies modulantes descendantes. Vous retrouvez dans sa démonstration un slide efficace (le n°22) à proposer à vos patients situation normale vs sensibilisation centrale dont nous avions parlé précédemment (rappel : les slides doivent être lus en mode diaporama pour que cela fonctionne). Cette SC concerne à la fois la moelle et le cerveau. Il est capital de tenir compte de la présence de SC car elle module les effets de la physiothérapie. Enfin, elle ne concerne pas uniquement des affections classiques comme la fibromyalgie ou encore le whiplash mais aussi des désordres musculo-squelettiques plus fréquemment rencontrés en pratique courante (ex : impingement syndrome, syndrome rotulien,etc.).
Deux stratégies de traitement de la SC sont possibles :
A/ Diminuer au maximum les signaux montants par approche bottom-up ; au passage, il faut noter que parmi les mécanismes d’action des traitements hands-on, il n’y a pas que la modulation de type gate control (au sens d’inhibition segmentaire) mais aussi l’activation de la voie inhibitrice descendante (1).
A propos de l’utilisation du traitement hands-on (2) :
– Il doit suivre de l’éducation et non la précéder ;
– Il faut expliquer les effets des traitements hands-on sur le cerveau…
– … sans augmenter l’anticipation à la douleur ;
– Ne pas abandonner une technique ou modifier son intensité en se fiant à la douleur décrite par le patient (car cette douleur n’est pas fiable dans la SC) : je sais cela va faire jaser…
B/ L’éducation (type TNE) a une place importante parmi l’arsenal de techniques top-down : elle permet de re-conceptualiser la douleur du patient pour en réduire sa valeur pour diminuer le catastrophisme et la peur. Des preuves existent (bien que la taille des effets soit faible) en faveur de l’éducation ou d’approches de type CBT pour diminuer la sensibilité du système nerveux (3). Dans les conditions chroniques, le stress renforce la douleur (le système de réponse au stress est altéré). Un stress sévère entraine une baisse d’activité sérotoninergique et de neurotransmission du GABA ce qui engendre moins d’inhibition et donc plus de sensibilisation. La gestion du stress en physiothérapie est donc importante et peut passer par des approches diverses de type mindfulness (approche en pleine conscience), méditation, relaxation, etc. L’exercice physique est un outil puissant pour déclencher les mécanismes de l’inhibition de la douleur.
En résumé :
* La SC est souvent prédominante dans les affections estampillées "musculo-squelettique".
* Commencer le traitement en désactivant la « pain matrix » avant de passer en approche bottom-up.
* L’approche top-down est constituée en priorité par :
– L’éducation à la neurophysiologie de la douleur
– Le management du stress
– Le recours aux exercices physiques
* La combinaison des deux approches parait être la plus judicieuse.
Quelques références de la vidéo
(2) Lluch Girbés E, Meeus M, Baert I, Nijs J. Balancing "hands-on" with "hands-off" physical therapy interventions for the treatment of central sensitization pain in osteoarthritis. Man Ther. 2014 Aug 14. pii: S1356-689X(14)00147-7. doi: 10.1016/j.math.2014.07.017. [Epub ahead of print]
(3) Van Oosterwijck J, Meeus M, Paul L, De Schryver M, Pascal A, Lambrecht L, Nijs J. Pain physiology education improves health status and endogenous pain inhibition in fibromyalgia: a double-blind randomized controlled trial. Clin J Pain. 2013 Oct;29(10):873-82. doi: 10.1097/AJP.0b013e31827c7a7d