Introduction

Nous avions évoqué le fait que les exercices de renforcement visant à améliorer la marche n’étaient pas tâche-spécifique. Ils ne ciblaient que trop rarement les extenseurs, les fléchisseurs de hanche et les fléchisseurs plantaires. La revue de littérature n’avait pas été concluante, mais posait certaines questions comme "Y-a-t-il une corrélation entre vitesse de marche et force des membres inférieurs chez le patient AVC ?".
L’hypothèse retenue est que les groupes musculaires permettant la marche avant sont corrélés à la vitesse de marche et donc qu’il y a une faible corrélation entre les extenseurs de genou (sollicités sur des tâches de type transferts ou escaliers) et cette vitesse de marche.

Méthode

Revue systématique. Les bases de données interrogées en août 2013 ont été Scopus, Medline, CINAHL, Web of Science,
Embase and PubMed.
Critères d’inclusion :

  • Patients AVC
  • Mesure de la vitesse de marche sur une courte distance, sans pause
  • Mesure isométrique de la force musculaire au niveau d’une seule articulation. Ex : extension de genou, pas de triple extension
  • Analyse univariée de la corrélation entre la vitesse de marche et la force musculaire

La littérature grise a été exclue. Les articles dans d’autres langues ont été exclus. Les études de cas ont été exclues.

La sélection sur le titre et le résumé a été faite par un auteur. Puis, 2 auteurs ont évalués indépendamment les critères de sélection. En cas de désaccord, un 3ème auteur était consulté.

La qualité de ces études observationnelles a été évaluée à l’aide d’un outil spécifique, développé par Tan et al. dont on ne connait pas les propriétés psychométriques (0 score minimum et 20 score maximum)

Résultats

21 études ont été incluses comprenant des patients AVC en phase sub-aiguë ou chronique, marchant avec ou sans aide technique.
Hormis une étude, la quasi-totalité a inclus des patients de plus de 50 ans.
11 études ont utilisé un dynamomètre manuel, 9 des mesures en laboratoires (souvent via une machine isocinétique) et 1 un mix des 2.
La qualité moyenne des études est faible avec une score de 11.6/20.
13 études ont évalué isolément les muscles du genou, 3 les muscles de la cheville et 5 ont réalisé des mesures multiples hanche, genou, cheville.

Hormis concernant les fléchisseurs dorsaux (r entre 0.5 et 0.77) où les données sont moins variables, il n’y a de corrélation modérée à forte entre la force des membres inférieurs et la vitesse de marche chez le patient AVC (Graphique n°1).

Commentaires Actukiné

La qualité de la revue systématique est plutôt bonne en se basant sur le score AMSTAR (en pièce jointe) de 7/11. Il n’y a pas eu d’analyse statistique réalisée et vu l’hétérogénéité des études, populations, méthodes d’évaluation, cela aurait été impossible.

L’hétérogénéité des résultats ne permet pas de faire une interprétation claire et d’avoir une implication clinique sur le fait de renforcer tel ou tel muscle. La qualité de la majorité des études étant faible, il faut être méfiant.
2 éléments semblent ressortir à savoir :
– Une corrélation qui semble modérée à forte entre vitesse de marche confortable et force des fléchisseurs dorsaux de cheville
– En ne retenant que les études de meilleure qualité, une corrélation qui semble faible entre vitesse de marche confortable et force des extenseurs de genou

Les critères d’inclusion étaient probablement trop larges ou alors prévoir une analyse en sous-groupe (patient avec et sans aide technique de marche par exemple) aurait peut-être permis de dégager des corrélations plus fortes.

Les cohortes de patients étaient aussi très petites avec des études n’excédant jamais les 70 sujets.

Une autre question doit aussi être posée à savoir la pertinence d’une évaluation musculaire maximale certes dynamométrique mais qui va souvent évaluée la contraction isométrique, et plus rarement concentrique et/ou excentrique. En effet, les fléchisseurs dorsaux par exemple travaillent en concentrique lors de la phase oscillante et en excentrique au début de la phase d’appui. Les ischio-jambiers quant à eux s’activent en phase d’appui en freinant l’extension de genou (excentrique). Une évaluation ciblée en fonction du mode contraction du muscle lors de la marche aurait été plus pertinente. Le livre d’Eric Viel est un bon rappel à ce sujet [1].
En suivant le même raisonnement, une évaluation de la vitesse maximale au test de 10 mètres ou de l’endurance au TDM6 pourraient sembler plus adapter car l’objectif souvent recherché est d’augmenter la vitesse et/ou l’endurance de marche. Pour les patients, cela semble être l’endurance [2], mais ceci est une autre histoire.

Référence

Bibliographie

[1] Viel E. La marche humaine, la course et le saut. Biomécaniques, explorations, normes dysfonctionnements. Collection le point en rééducation et en APS. Masson, Paris, 2000.
[2] Combs SA, Van Puymbroeck M, Altenburger PA, Miller KK, Dierks TA, Schmid AA. Is walking faster or walking farther more important to persons with chronic stroke ? Disabil Rehabil. 2013 May;35(10):860-7.