Présentation
UN PEU DE CONTEXTE (Le placebo sans contexte c’est pas beau…)
Les trois auteurs travaillent au département de neuroscience de l’université de médecine de Turin. F. Benedetti, professeur et chercheur en neurosciences est un auteur de référence dans le domaine du placebo, sujet sur lequel il a orienté ses recherches depuis de très nombreuses années. Ses publications traitent le plus souvent de la neurophysiologie du placebo, et dernièrement ont été orientées vers l’étude de l’efficacité du placebo en situation d’hypoxie.
DEFINITION
Un placebo est habituellement défini comme une substance inerte sans action pharmacologique ou tout autre traitement factice. Cependant cette définition n’est pas complète, car les placebos sont faits de mots, de rituels, de symboles et de sens. En effet, le placebo n’est pas le faux traitement en soi, qu’il soit pharmacologique ou non, mais plutôt son administration dans un contexte psychosocial complexe : c’est l’ensemble du rituel autour de l’acte thérapeutique.
UN FLOU ENTRE LES DÉFINITIONS DE « PLACEBO » ET « D’EFFET PLACEBO »
Ceci réside dans la différence d’usage du placebo lors des essais cliniques et lors de l’étude des mécanismes neuro-bio-psychologiques sous-jacents à la réponse à un placebo. Lors des essais cliniques on s’intéresse à toute amélioration qui peut survenir dans le groupe de patients qui prennent la substance inerte (dit groupe contrôle), pouvant être due à de nombreux facteurs, tels que la rémission spontanée, la régression à la moyenne et les attentes du patient quant aux bienfaits. C’est ce qu’on appelle efficacité non-spécifique. Le neuroscientifique (ou le kinésithérapeute—non précisé dans l’article mais je me permets !) ne s’intéresse qu’à l’amélioration qui découle des attentes du patient, à savoir un processus actif se produisant dans le cerveau du patient. Les essais cliniques ne visent qu’à établir si les patients qui prennent le véritable traitement sont mieux soignés que ceux qui prennent le placebo, alors que les neurosciences veulent comprendre ce qui se passe dans le cerveau du patient lorsqu’un placebo est administré, c’est-à-dire, lorsqu’un rituel thérapeutique est pratiqué.
LE PLACEBO A PROUVÉ SON EFFICACITÉ À DE MAINTES REPRISES
Un concept émergent selon lequel les placebos activent les mêmes voies biochimiques que les médicaments représente un défi intéressant tant du point de vue de l’évolution que de la neurobiologie ! Les êtres humains sont dotés de systèmes endogènes (internes) qui peuvent être activés par des attentes positives induites verbalement, des rituels thérapeutiques, des symboles de guérison ou des interactions sociales, et ces systèmes comprennent des opioïdes endogènes et endocannabinoïdes dans l’analgésie placebo et la dopamine dans les réponses placebo liées au Parkinson.
Endogènes et endocannabinoïdes : ce sont des molécules antalgiques, c’est à dire luttant contre les douleurs. Ils sont dits «endo» car elles sont sécrétés par le corps lui-même. C’est un peu comme la morphine que notre corps sécrète lui-même.
Dopamine : est un neurotransmetteur, une molécule biochimique qui permet la communication au sein du système nerveux, et l’une de celles qui influent directement sur le comportement. Elle est produite en trop faible quantité dans la maladie de Parkinson.
LES DIFFÉRENCES ENTRE PLACEBO ET MÉDICAMENT
Elles existent bien évidemment ! Par exemple, l’effet d’un placebo est souvent moins long que celui du médicament usuellement prescrit. En terme de largeur d’effet (la «quantité» d’efficacité), c’est seulement pour un petit nombre de personnes, répondant fortement au placebo, que ce dernier peut être tout autant efficace que le médicament (Parkinson, douleur), mais ça ne sera pas le cas pour tous les patients ni pour tous les symptômes. D’autres problématiques éthiques, tel que l’usage d’un placebo lorsqu’il existe un autre traitement pharmacologique ayant prouvé une efficacité supérieure, ne sont pas abordées dans cet article mais sont développés par d’autres auteurs.
IMPORTANCE DE LA RECHERCHE EN PLACEBO
Selon les auteurs, un des points important à adresser en recherche est la raison pour laquelle certaines personnes répondent au placebo et d’autres non. Un biomarqueur ainsi que des circuits cérébraux (entre noyaux accumbens et striatum ventral) semblent avoir été mis en évidence afin d’identifier les « répondants » et les « non répondants » au placebo. (Notons que cette notion de non répondant est par ailleurs remise en cause par d’autres auteurs.) Certains traits de personnalité suggèrent une plus forte probabilité d’être « répondant » au placebo cependant définir un trait comme unique responsable serait erroné. Un modèle transactionnel à deux facteurs a été proposé prenant en compte le type de personne et les indices du contexte. Cependant, les auteurs précisent que dans certaines études manipulant la suggestion et observant les traits de personnalités, ils ont mis en évidence une plus forte corrélation entre la suggestion et la réponse au placebo indépendamment de la personnalité.
La question en recherche c’est donc où, quand et comment fonctionnent les placebos. Rien que ça !
Les noyaux accumbens et striatum ventral jouent un rôle central dans le circuit cérébral de la récompense, du plaisir et de la motivation. Ci-contre une image permettant de situer ces structures cérébrales. Nous reviendrons sur ces circuits dans le cadre de la réponse au placebo et les connaissances actuelles dans un autre article car cela serait trop long à développer ici.
POURQUOI J’AI BIEN FAIT DE LIRE JUSQUE LÀ…
Dans le modèle transactionnel que les auteurs décrivent, ils expliquent qu’il est important d’identifier le type de personnalité que présente une personne pour adapter les indices afin de potentialiser la réponse au placebo. Deux types de personnes sont présentées : celles qui ont une orientation “vers l’intérieur”, plutôt susceptibles de répondre aux suggestions traitant de l’expérience interne et celle qui sont tournées “vers l’extérieur”, plus perméables aux indices externes. La concentration ainsi que la suggestibilité sont des traits de caractères que l’on retrouvera dans le premier type alors que l’altruisme, la franchise et l’extraversion seront propres au second. Nous reviendrons sur ces notions tirées d’une autre publication dans les prochaines semaines 😉
Pour finir une petite citation de l’article « Nous devons changer notre perspective sur les effets placebo et les conceptualiser d’une manière différente, afin qu’ils puissent être considérés comme des phénomènes dignes d’intérêt. Mieux comprendre où, quand et comment les placebos fonctionnent représente un défi important pour la recherche future, qui mènera sûrement à une meilleure pratique médicale et à une meilleure interprétation des essais cliniques. »