Les études s’intéressant à la neuroplasticité cérébrale hors cadre strictement neurologique sont pourtant assez rares. Voici 3 études traitant de neuroplasticité cérébrale dans le cadre d’une immobilisation distale du membre supérieur, que l’on rencontre plus fréquemment dans les champs de pratiques orthopédiques ou musculosquelettiques.
Réorganisation des cartes sensitives et motrices du cortex cérébral après 48 heures d’immobilisation de la main
Une très belle étude parue le 22 novembre 2013 dans PloS One expose des résultats spectaculaires et fascinants. Elle montre la réorganisation corticale du cerveau évaluée par encéphalographie après une immobilisation de la main de seulement 48 heures. Il s’agit d’un véritable remodelage de l’intégration sensorimotrice au niveau du cerveau.
15 sujets (4 hommes et 11 femmes) ont réalisé des séries de flexion/extension de l’index de la main droite avant et après immobilisation de la main pendant 48 heures. Une analyse comparative pré et post immobilisation des résultats de leurs encéphalographies pendant ces séquences de mouvement est réalisée.
On peut retenir que l’intégration motrice de la frontale ascendante diminue et qu’en parallèle, les capacités de planification motrices pariétofrontales et les contrôles adaptatifs sensitifs de la pariétale ascendante augmentent. Le mouvement de flexion/extension coûterait donc plus cher en anticipation et en régulation sensitivomotrice pendant le déroulement de la séquence gestuelle après 48 heures d’immobilisation, en lien avec une diminution de l’activité neuronale dédiée à la motricité intentionnelle.
Les résultats indiquent également une activation plus importante des aires motrices et sensitives du côté controlatéral.
Effet de l’immobilisation sur l’épaisseur du cortex sensorimoteur et sur la substance blanche des voies corticospinales après 14 jours d’immobilisation du membre supérieur
Une étude longitudinale parue dans le journal Neurology en janvier 2012 suggère une réponse. Elle a comparé les résultats d’IRM cérébrale de 10 personnes droitières, ayant été immobilisées au niveau du membre supérieur droit suite à une blessure. La première IRM a lieu 48h après immobilisation et la deuxième à J16, soit 14 jours après.
Les mesures des épaisseurs des différentes structures neurologiques sont réalisées sur les clichés d’IRM.
Les résultats montrent une diminution de l’épaisseur des aires motrices primaires et du cortex sensorimoteur correspondant au membre immobilisé. A l’inverse, l’épaisseur des mêmes structures du côté opposé ont tendance à augmenter. Ces résultats sont similaires au niveau de la substance blanche des voies corticospinales associées.
Des outils de prévention des atteintes du réseau sensorimoteur lors d’une période d’immobilisation
Une étude propose des pistes intéressantes pour accompagner différemment ces périodes d’immobilisation.
Elle est parue dans la revue Neuroimage en Août 2012. C’est une étude de suivi de cohortes avec 2 groupes de 8 personnes immobilisées pendant 5 jours au niveau de la main par des orthèses. L’un des deux groupes a reçu des stimulations proprioceptives grâce à des petits vibreurs installés au niveau des doigts et des poignets, à l’intérieur des attelles. Ce dispositif reproduisait les sensations de mouvements réels pendant la période d’immobilisation.
Le groupe traitement recevait 2 séances de stimulation par jour. L’autre ne recevait rien.
Les mesures des résultats ont été réalisées par une IRM fonctionnelle du cerveau lors d’un mouvement de la main déterminé après ablation de l’orthèse et lors d’une stimulation tactile de la main avant et après avoir enlevé la contention.
Les résultats montrent que le réseau cortical sensorimoteur était significativement altéré chez les sujets immobilisés alors qu’il était relativement préservé chez les personnes porteuses du dispositif de stimulation « tactilo-proprioceptif ».
Commentaires Actukiné :
– L’enseignement académique actuel sur les conséquences d’une immobilisation est très orthopédique (limitation d’amplitude articulaire, atrophie et « sidération » musculaire, troubles cutanés…) et pas (ou peu) neurologique. Ces nouvelles données sont une invitation à considérer le déconditionnement tissulaire observé lors d’une période d’immobilisation différemment, en lien avec la neurophysiologie de l’ensemble du système nerveux jusqu’au niveau cortical.
– Les données exposées dans ces 3 études concernent des immobilisations de courte durée, au maximum 14 jours. Nous travaillons le plus souvent avec des patients immobilisés pour des durées bien supérieures : de 3 à 12 semaines pour la plupart d’entre eux ! Il y a par conséquent largement matière à réflexion…