CONTEXTE : jusqu’ici, on pensait que la vision jouait un rôle prépondérant dans les processus de localisation et d’attribution à soi d’un membre dans l’espace (1). Dans l’expérience du RHI il semblait en effet que l’objet utilisé (par exemple, une main en plastique) devait avoir la forme d’un véritable membre pour générer l’illusion (2). Mais une récente étude (3) est venue apporter quelques précisions : l’illusion de la main invisible – IHI (Invisible Hand Illusion) est une forme d’illusion qui fonctionne sans main factice (voir la photo ci-contre).
METHODE : 234 personnes saines ont été testées suivant 10 conditions expérimentales (1 condition par personne – voir le tableau 1 de l’article pour plus de détails) ; 14 sujets ayant ressenti une forte intensité d’illusion ont participés à une phase de travail sous IRMf. Le temps de stimulation était d’une minute pour toutes les conditions. L’illusion était évaluée chez les sujets par questionnaire, relevé d’activité électrodermale et tache de proprioception de l’index. Sous IRMf on testait 3 conditions : congruence spatiale et temporelle des brossages au pinceau, incongruence spatiale mais congruence temporelle et l’inverse. Ensuite, les patients refaisaient un testing en dehors de la machine et complétait un questionnaire pour s’assurer que les tests étaient similaires en terme d’illusion.
RESULTATS : le IHI dépend beaucoup de la congruence temporelle des stimuli visuo-tactiles et de la congruence spatiale qui doit être centrée sur la main en terme de référentiel et dans un espace proche du corps uniquement (espace péri-personnel). Le IHI est plus fort dans les cas où on utilise soit un moignon soit rien (vide) par rapport à une condition où on utilise un bloc de bois en guise de main factice. Donc un objet inapproprié fait bel et bien chuter la puissance de l’illusion. Sous IRMf, l’expérience montre que l’illusion active fortement le cortex prémoteur ventral gauche, la section antérieure du sulcus intra-parietal et le gyrus supra-marginal. Les mécanismes d’intégration multi-sensoriels sont majoritairement fronto-pariétaux bien que d’autres zones soient activées comme le cervelet, l’insula et les régions occipitales latérales. Les mécanismes neuronaux en présence sont donc les mêmes qu’avec le RHI.
CONCLUSION : cette expérience permet de relativiser l’impact de l’input visuel dans la perception de soi et pose une question : comment un espace vide peut-il être perçu comme nous appartenant et pas un objet non corporel ? Les auteurs avancent quelques idées : comme le cerveau intègre les relations temporelles et spatiales entre des signaux sensoriels et moteurs : il est probable qu’il effectue alors des prévisions sensorielles comme ici le fait d’être touché en fonction des mouvements visuels du pinceau. Il n’a donc pas besoin d’une main factice particulièrement bien imitée (il est tout de même préférable d’utiliser une main factice ou encore du vide et pas un objet « non corporel ») mais seulement d’informations visuelles et tactiles qui coïncident. De plus nous sommes habitués à sentir nos mains sans les voir et l’espace péri-personnel représente un espace possible où peut se situer le membre ce qui peut faciliter le IHI.
Références
(2) Tsakiris M, Carpenter L, James D, Fotopoulou A. Hands only illusion: multisensory integration elicits sense of ownership for body parts but not for non-corporeal objects. Exp Brain Res. 2010 Jul;204(3):343-52. doi: 10.1007/s00221-009-2039-3. Epub 2009 Oct 10. Abstract ici
(3) Guterstam A, Gentile G, Ehrsson HH. The invisible hand illusion: multisensory integration leads to the embodiment of a discrete volume of empty space. J Cogn Neurosci. 2013 Jul;25(7):1078-99. doi: 10.1162/jocn_a_00393. Epub 2013 Apr 11. En accès libre ici
Article internet
Une vidéo de l’expérience ici