Est-il encore nécessaire de rappeler que nous ne savons toujours pas pourquoi une douleur chronique se développe chez certains individus et pas chez d’autres (on sait malgré ce, que son développement ne dépend pas de l’importance ni du type de la blessure, de la personnalité du sujet, de son niveau d’éducation, de son appartenance ethnique, de sa religion, de son lieu d’habitat pas plus que de sa profession…).

Lorimer Moseley et Johan Vlaeyen émettent donc une nouvelle hypothèse basée sur deux suppositions :
1 – la douleur peut être considérée comme une réponse et pas seulement comme un stimulus
2 – le fait d’encoder des informations non nociceptives qui coïncident avec des inputs nociceptifs détermine la réponse à des événements ultérieurs similaires.

Pour les auteurs, la précision avec laquelle l’information multi-sensorielle (temporelle, proprioceptive et spatiale) qui concerne l’évènement douloureux est encodée et représentée dans le cerveau détermine la manière dont la réponse douloureuse sera généralisée à des événements ultérieurs similaires.

La plasticité (modification des patterns de stimuli-réponses qui surviennent dans le temps) survient de deux manières : l’une est non-associative (par exemple l’habituation ou encore la sensibilisation), l’autre à contrario associative (notion de conditionnement par association de deux stimuli). Les inputs nociceptifs sont considérés comme des stimuli non conditionnés et la douleur comme une réponse conditionnée. Lorsqu’inputs nociceptifs et non-nociceptifs sont associés, un processus dit d’acquisition amène la réponse douloureuse : la douleur survient face à l’évènement multi-sensoriel mais également face à des évènements qui partagent des caractéristiques avec celui-ci. Ce processus est nommé généralisation du stimulus (par opposition à la différentiation du stimulus).

Si on complexifie ce tableau Pavlovien et qu’on tente de l’appliquer à la douleur, on peut considérer l’importance de la généralisation comme étant inversement proportionnelle à la précision par laquelle l’évènement douloureux originel est encodé par le cerveau. Pour les auteurs, plus l’encodage est flou et plus la généralisation est importante et donc, plus la douleur est déclenchée par des stimuli fonctionnellement distincts. Par exemple, l’encodage imprécis d’un évènement originel douloureux comme se pencher en avant, pourrait conduire à une généralisation de douleurs lombaires face à des mouvements et à des activités impliquant une flexion antérieure du tronc. Nous voici au cœur de l’article : l’hypothèse de l’imprécision.

Cette nouvelle hypothèse est importante et semble en accord avec (mais ne prouve en rien) la littérature émergente évoquant les déficits de représentations corticales corporelles chez les patients douloureux chroniques. Elle marque sans doute le point de départ à de nouvelles recherches dans le traitement des douleurs aigües où il ne faudra plus seulement nous focaliser sur l’analgésie et la distraction d’attention mais aussi porter notre attention sur l’encodage de l’évènement douloureux. Les apprentissages moteurs, l’attention spatiale, l’entrainement sensitif et la neuroplasticité vont nous fournir une base de travail prodigieuse pour accomplir cette tâche !

Références

Moseley GL, Vlaeyen JW. Beyond nociception: the imprecision hypothesis of chronic pain. Pain. 2015 Jan;156(1):35-8. doi: 10.1016/j.pain.0000000000000014. No abstract available.