Ce billet est une aussi occasion pour nous rappeler que l’Evidence Based est née il y a déjà 20ans. A l’origine destinée à l’enseignement de la médecine dans des universités outre océan, elle a dépassé ses objectifs en s’imposant comme un outil puissant pour combattre les erreurs des pratiques de soins, améliorer la qualité et sécurité des soins délivrés et permettre aux patients, cliniciens ou décideurs d’éclairer leurs choix sur des informations validées, dans un souci de transparence. Elle s’est étendue à bien d’autres disciplines en rapport avec la santé (practice, nursing, dental etc.) mais aussi extérieures aux soins (teaching, educational, law, management). Bien sur, ce n’est pas non plus la panacée . Des limites peuvent lui être adressées comme celles de la validité des résultats de la recherche (Ioannidis et al 2005, S McLain 2013) ou encore la difficulté de mettre en œuvre cette démarche et d’en évaluer l’impact. Cependant, face à l’empirisme, les idées reçues, les pratiques injustifiées voire délétères, l’Evidence Based est la seule démarche rigoureuse, transparente et formalisée dont nous disposons pour permettre aux cliniciens d’être informés de l’état des connaissances à un instant donné et de choisir en toute connaissance le traitement le plus efficace et adapté aux besoins du patient.
Ce travail, comme le rappel Hervé Maisonneuve n’est pas sans effort 1) de la part du régulateur et des institutions (Lucero et al, 2009; Boaz et al, 2011) qui doivent promouvoir son utilisation non seulement dans des établissements de soins mais aussi dans la pratique en ville (qui sera sans doute au cours de notre système de soins dans les années à venir 2) des professionnels de santé qui devront régulièrement vérifier et remettre en cause leurs pratiques. Certains le font assurément mais en l’absence de toutes données sur la qualité des pratiques de notre profession, on ne peut penser qu’aujourd’hui une majorité le fasse (Menon et al, 2010). Des rapports montrent que de nombreuses pratiques de soins sont en conflit avec les connaissances (Prasad et al 2012) ou les recommandations (Grol and Grimshaw 2003; Westfall et al 2007). D’autres études montrent également que les pratiques des kinésithérapeute ou physiothérapeutes peuvent aboutir à des événements délétères pour la santé des patients (ref1, ref2). Qu’en est-il donc de la qualité et de la sécurité de nos pratiques actuelles dans les établissements de soins et dans la pratique libérale? 3) Enfin, il semble que l’implémentation de l’Evidence Based passe par la formation (Dizon et al 2012; Young et al 2014). L’absence de toute réforme de notre système nous pénalise dans cette démarche et nous éloigne de notre autonomie. Le développement personnel continue (DPC) et l’université pourraient être des leviers pour la formation des professionnels en activité, la formation initiale dispenser des bases solides aux futurs cliniciens. Il est regrettable de constater qu’alors que l’Evidence Based fête ses 20 ans, elle peine toujours à convaincre et qu’elle ne semble toujours pas avoir été acceptée par la majorité.
Conclusion: d’autres démarches semblent indispensables (ie, les règles de décision cliniques, éthique, coordination de soins) pour former et permettent aux cliniciens d’être autonomes dans la réflexion, la justification du choix de leurs pratiques. l’Evidence Based est sans aucun doute l’une de ces démarches qu’il est urgent d’enseigner, de manière intensive, dans les lieux de formation (Regnaux et al 2012).
liens de conflit d’intérêt:
enseigne l’Evidence Based dans des formations académiques
auteur de plusieurs rapports écrits sur l’Evidence Based
Références:
Boaz A, Baeza J, Fraser A; European Implementation Score Collaborative Group (EIS). Effective implementation of research into practice: an overview of systematic reviews of the health literature. BMC Res Notes. 2011 Jun 22;4:212. doi: 10.1186/1756-0500-4-212. PubMed PMID: 21696585. accès au texte complet
Dizon JM, Grimmer-Somers KA, Kumar S. Current evidence on evidence-based practice training in allied health: a systematic review of the literature. Int J Evid Based Healthc. 2012 Dec;10(4):347-60. doi: 10.1111/j.1744-1609.2012.00295.x. Review. PubMed PMID: 23173659. accès au résumé
Grol R, Grimshaw J. From best evidence to best practice: effective implementation of change in patients’ care. Lancet. 2003 oct 11;362(9391):1225-30. Review. PubMed PMID: 14568747. accès au résumé
Ioannidis JP. Why most published research findings are false. PLoS Med. 2005 Aug;2(8):e124. Epub 2005 Aug 30. PubMed PMID: 16060722. accès au texte complet
Lucero RJ, Lake ET, Aiken LH. Variations in nursing care quality across hospitals. J Adv Nurs. 2009 Nov;65(11):2299-310. doi: 10.1111/j.1365-2648.2009.05090.x. Epub 2009 Sep 8. PubMed PMID: 19737326; PubMed Central PMCID: PMC2763049. accès au résumé
Menon A, Bitensky NK, Straus S. Best practise use in stroke rehabilitation: from trials and tribulations to solutions! Disabil Rehabil. 2010;32(8):646-9. doi: 10.3109/09638280903214640. PubMed PMID: 20205577. accès au résumé
Prasad V, Cifu A, Ioannidis JP. Reversals of established medical practices: evidence to abandon ship. JAMA. 2012 Jan 4;307(1):37-8. accés au résumé
Regnaux JP, Rostagno S, Remondière R. Enquête sur l’enseignement de l’Evidence-Based Practice dans la formation initiale en masso-kinésithérapie-physiothérapie, en 2012. Kinésithérapie, la Revue, Volume 13, Issue 136, April 2013, Pages 45-5. accès au résumé
Young T, Rohwer A, Volmink J, Clarke M. What Are the Effects of Teaching Evidence-Based Health Care (EBHC)? Overview of Systematic Reviews. PLoS One. 2014 Jan 28;9(1):e86706. doi: 10.1371/journal.pone.0086706. eCollection 2014. PubMed PMID: 24489771. accès au texte complet
Westfall JM, Mold J, Fagnan L. Practice-based research–"Blue Highways" on the NIH roadmap. JAMA. 2007 Jan 24;297(4):403-6. PubMed PMID: 17244837. accès au résumé