Est-ce que du temps supplémentaire de physiothérapie améliore les évaluations cliniques et réduit la durée de séjour chez des patients avec des affections récentes
/ Type d’études
revue systématique quantitative (méta analyse)
/ Contexte général et physiothérapie
Des études ont cherché à déterminer si l’augmentation de la durée des séances de physiothérapie pouvait améliorer les performances de patients, par exemple après un AVC [1-2]. Aucune n’a estimé l’effet du temps supplémentaire sur la durée de séjour à l’hôpital quelque soit le type de pathologie. L’augmentation a été définie par les auteurs comme une durée de séance plus longue ou par une fréquence plus grande.
/ Méthodologie
Plusieurs bases électroniques (CINAHL, MEDLINE, AMED, PEDro, PubMed et EMBASE) ont été interrogées jusqu’en mai 2010. Une recherche manuelle de références a aussi été menée. 2 lecteurs indépendants ont sélectionné les articles en fonction des critères de sélection définis par les auteurs et extrait les informations. Pour être sélectionnées, les études devaient être contrôlées, randomisées et comparer une même intervention de physiothérapie dont la durée ou la fréquence était plus élevée dans le groupe expérimental que dans le groupe témoin. Les études qui comparaient des techniques particulières (acupuncture) ou des activités (la marche) étaient exclues. Les critères d’évaluation ont été regroupés selon la classification internationale du handicap. Les auteurs ont distingué les effets des interventions sur la durée d’hospitalisation, les fonctions corporelles, l’activité, la participation, la sécurité et la satisfaction des patients. La qualité méthodologique des études a été évaluée avec l’échelle de PEDro. La variabilité entre études (hétérogénéité) a été quantifiée et prise en compte à l’aide d’un modèle statistique à effet aléatoire.
/ Résultats de l’étude
16 études ont été incluses dans l’analyse parmi les 1929 identifiées. L’analyse statistique a montré un effet en faveur de l’augmentation du temps des séances de physiothérapie pour la durée de séjour (SMD = 0.22, IC 95 % [0.05 – 0.39]), les fonctions corporelles (SMD = 0.37, IC 95 % [0.05 – 0.69]), la participation (SMD = 0.48, IC 95 % [0.29 – 0.68]). Aucun effet n’a été rapporté sur l’activité (SMD = 0.35, IC 95 % [-0.06 – 0.77]). Le nombre insuffisant d’études rapportant des informations sur la sécurité et la satisfaction n’a permis de conduire d’analyses. Pour la plupart des analyses, l’hétérogénéité était très élevée (i carré = 89 %) sauf pour la durée de séjour où elle était modérée (i carré = 32 %) indiquant des différences importantes entre les études pouvant expliquer des effets distincts. Des analyses en sous groupe et de sensibilité ont été conduites pour explorer l’hétérogénéité sans pouvoir expliquer les raisons de cette variabilité importante entre études.
Les commentaires d’Actukiné
/ Aspects méthodologiques
Cette revue systématique a permis d’inclure un nombre satisfaisant d’études concernant des patients avec des troubles variés (AVC, chirurgie orthopédique ou cardiovasculaire). Ces études comportaient des différences importantes (type de patients, nature des interventions, échelles de mesure) qui se traduisent par une hétérogénéité très élevée. Cette hétérogénéité importante qui n’est pas expliquée par les facteurs de l’analyse impose de considérer les résultats avec précaution. Certains aspects n’ont pas été explorés pour identifier les raisons de cette variation d’effet. Par exemple, la nature des interventions n’a pas été considérée (technique passive, résistance, programme global, etc.). L’influence des doses de traitements n’a pas été dissociée alors que le temps supplémentaire variait de 7 à 85 minutes/jour selon les études soit une variation supérieure à 1000 % (85-7/7 * 100) ! En d’autres termes, l’effet global du supplément de séances de physiothérapie a été estimé sans tenir compte de l’importance de l’écart de durée entre 2 interventions. L’analyse de la qualité méthodologique et des risques de biais a été limitée à l’intention de traiter. L’impact d’autres critères comme les données manquantes, la comparabilité des groupes avant le traitement n’a pas été distingué. De plus, aucune indication n’est fournie par les auteurs sur l’impact éventuel du biais de publication dans l’analyse, qui aurait pu être identifié par un funnel plot [3]. Par exemple, une surestimation de l’effet en faveur de l’intervention expérimentale à cause de l’absence de publication d’études n’ayant pas trouvé d’effet statistiques. Enfin, les effets à moyen ou à long terme n’ont pas été étudiés limitant l’applicabilité de ces résultats pour la pratique clinique.
/ Implications pour la recherche et la pratique professionnelle
L’absence de composantes actives dans les interventions que nous pratiquons ou du moins leur présence en faible quantité est une des hypothèses pour expliquer la difficulté à démontrer la supériorité d’une technique par rapport à une autre. Cette hypothèse repose sur deux principes. Le premier est que le temps d’activité ou de contraction neuro-musculaires actives est très faible par rapport aux temps passifs au cours d’une séance de rééducation [4]. Deuxièmement, plusieurs études chez l’animal et plus récemment chez l’homme ont souligné les bénéfices des répétitions d’un exercice ou d’une tâche lorsqu’ils sont pratiqués avec intensité [5-7]. On pourrait donc distinguer plusieurs causes d’efficacité d’une intervention en physiothérapie : une mise en œuvre spécifique (par ex. la neuro-mobilisation ou les ondes de choc ?), la quantité d’exercices ou de répétitions pour les thérapies basées sur la répétition du mouvement et l’apprentissage moteur. Les ateliers de rééducation ne sont ni plus ni moins qu’une augmentation du temps de pratique active. Il existe surement d’autres : l’expertise du thérapeute et de la structure de soins, l’adhérence au traitement par exemple.
Démontrer une dose minimum est un moyen de vérifier l’impact de l’intensité dans l’efficacité de nos traitements. Il nous faudra aussi impérativement déterminer les posologies, car il va sans dire que des effets délétères sont probables (douleur, inconfort, risque de chutes etc.) et que ces traitements "intensifs" ne sont pas indiqués pour tous les types de patients. Enfin, la persistance des effets dans le temps est également un critère d’efficacité important qui reste insuffisamment étudié.
Références pour aller plus loin