En introduction, les auteurs rappellent qu’une étude récente a montré un effet supérieure à court terme (1 et 3 mois) et un effet similaire à long terme (6 et 12 mois) de la thérapie manuelle comparativement à la chirurgie en terme d’intensité de douleur et de fonction (De Las Pe ñas, J Pain 2015).

– Design: une évaluation économique a été effectuée parallèlement à un ECR dans un hôpital général à Madrid.

– Population: 120 femmes présentant un SCC objectivé cliniquement et par ENMG ont été incluses et réparties en 2 groupes égaux (60 personnes par groupe), traitement manuel (TM) et chirurgie.
Les critères d’inclusions étaient: douleur et paresthésies dans le territoire du nerf médian, augmentation nocturne des symptômes, signe de Tinel et Phalen positifs, symptômes présent depuis au moins 12 mois, un ENMG montrant un déficit sensitif et moteur selon les recommandations de l’American Association of Electrodiagnostic medicine

– Interventions: Le groupe TM a bénéficié de 3 séances de traitement comprenant des manoeuvres de désensibilisation du SNC pendant 30′ à raison d’une séance par semaine. Cela consistait à mobiliser les tissus mous par des techniques manuelles directes sur le site de compression présumé du nerf médian; on ajoutait à cela des glissements latéraux du rachis cervical ainsi que des exercices de glissements neuraux et tendineux.
Le groupe Chirurgie recevait une intervention soit à ciel ouvert soit endoscopique. Les patients recevaient également une séance d’éducation afin de réaliser des exercices de mobilisations neurales et tendineuses comme le groupe TM.

– Evaluation Economique: les coûts directs liés aux soins de santé (visite chez le physio ou le médecin) et non liés aux soins de santé (coût et temps du trajet pour la visite), ainsi que les coups indirects (perte de productivité au travail) liés au SCC ont été évalués.
Les données ont été collectées par les patients dans un journal. Afin de représenter plus précisément les coûts des soins de santé du pays, les coûts directs liés aux soins et non liés aux soins de santé ont été estimés en faisant la moyenne des coûts officiels de 5 régions représentatives de l’Espagne (Communauté de Madrid, Catalogne, Pays Basque, Andalousie, Castille et Leon).
Les coûts indirects liés à une perte de productivité ont été calculés fonction du statut d’emploi de la participante au moment de l’étude.

– Mesures: la qualité de vie liée à la santé a été mesurée au départ et à chaque période de suivi (1, 3, 6 et 12 mois) en utilisant l’EuroQol 5 dimensions (EQ-5D-5L). Les réponses ont été converties en un score d’utilité global en appliquant des valeurs d’indice de croisement pour l’Espagne. Les années de vie pondérées par la qualité (QALY) ont été estimées pour chaque participant.

– Résultats: 118 personnes (98%) ont été incluses dans l’analyse économique sur les 120 présentes au départ.
Les QALY ont montré un meilleur rapport coût-efficacité en faveur de la thérapie manuelle (différence, 0,135; intervalle de confiance à 95%: 0,134, 0,136). La thérapie manuelle était nettement moins coûteuse que la chirurgie (différence moyenne de coût par patient, 2576 €; p <0,001). Les patients du groupe chirurgie ont reçu un plus grand nombre d’autres traitements et ont effectué plus de visites chez le médecin que ceux recevant une thérapie manuelle (p = 0,02). L’absentéisme au travail était significativement plus élevé dans le groupe chirurgie (P <0,001). Le protocole de traitement (différence moyenne entre la chirurgie et la thérapie manuelle, 106 980 €) et l’absentéisme lié au travail (différence moyenne entre la chirurgie et la physiothérapie manuelle, 42 224 €) ont été les principaux contributeurs aux coûts sociétaux.

Discussion: Cette analyse économique complète une précédente étude ayant utilisée le même protocole de traitement et concluant à une meilleure efficacité de la TM à court terme et à une efficacité similaire à long terme.

Deux études ont examiné le rapport coût-efficacité des interventions non chirurgicales par rapport à une intervention chirurgicale chez les patients atteints de SCC, dont les résultats diffèrent considérablement de l’analyse coût-efficacité actuelle. Pomerance et al. ont constatés que les coûts directs des soins chirurgicaux n’étaient pas supérieurs au traitement à base d’orthèse et d’exercices, et que le rapport coût / efficacité supplémentaire était en faveur de la chirurgie. L’étude de Korthals-de Bos et al. n’a révélé aucune différence entre les groupes en ce qui concerne les coûts directs et a montré une probabilité de 90% que la chirurgie était plus rentable que l’attelle.

Plusieurs explications peuvent expliquer les différences entre ces 2 études et les recherches en cours. Une explication possible est que l’étude Pomerance et al. était rétrospective et comportait par nature de nombreuses limitations, l’une des plus cruciales étant l’absence de validité interne. Une autre différence est que les interventions entre les études précédentes et la présente étude étaient différentes. Pomerance et al. et Korthals-de Bos et al. ont comparé la chirurgie à une intervention non chirurgicale dirigée uniquement sur le poignet et la main.

Dans la présente étude, l’approche de thérapie manuelle incluait la mobilisation des tissus mous et des techniques de glissement nerveux / tendineux dirigées vers l’ensemble du membre supérieur impliqué, selon les théories actuelles de la douleur dans le cadre du SCC. En fait, la majorité des essais publiés portant sur l’efficacité de la thérapie physique par rapport aux interventions chirurgicales pour le SCC ont utilisé des interventions ciblant uniquement la main, qui ont démontré des avantages minimes.

– Conclusion: La présente étude est la première à examiner le rapport coût-efficacité de la thérapie physique manuelle par rapport à une intervention chirurgicale chez les femmes atteintes du SCC. Les résultats montrent que la thérapie physique manuelle entraîne une réduction des coûts directs et indirects des soins de santé. La thérapie physique manuelle a également entraîné une réduction significative du temps de travail perdu. La thérapie manuelle peut être considérée comme une première option de traitement du CTS, car elle est à la fois cliniquement efficace et rentable.

Note des auteurs: La généralisation des résultats peut être limitée, car seules les femmes d’un seul hôpital ont été incluses et l’étude a été menée dans un système de santé particulier. De plus, il n’existe aucune donnée disponible sur le dosage approprié pour le protocole de thérapie manuelle appliqué.

Références:

Cost-Effectiveness Evaluation of Manual Physical Therapy Versus Surgery for Carpal Tunnel Syndrome: Evidence From a Randomized Clinical Trial.
Fernández-de-Las-Peñas C, Ortega-Santiago R, Díaz HF, Salom-Moreno J, Cleland JA, Pareja JA, Arias-Buría JL.
J Orthop Sports Phys Ther. 2019 Feb;49(2):55-63. doi: 10.2519/jospt.2019.8483. Epub 2018 Nov 30.

Effectiveness of manual therapy versus surgery in pain processing due to carpal tunnel syndrome: A randomized clinical trial.
Fernández-de-Las-Peñas C, Cleland J, Palacios-Ceña M, Fuensalida-Novo S, Alonso-Blanco C, Pareja JA, Alburquerque-Sendín F.
Eur J Pain. 2017 Aug;21(7):1266-1276. doi: 10.1002/ejp.1026. Epub 2017 Mar 14