Le mouvement induit par la contrainte ou thérapie contrainte ou "constraint induced movement-therapy" (CIMT) est une des techniques qui a été le plus étudiée dans la littérature pour améliorer la fonction du membre supérieur après AVC , mais dont l’application en pratique quotidienne reste faible. Moins de 40 % des physios et des ergothérapeutes anglais l’utilisent, et souvent de manière partielle [1].

Les limites avancées à son utilisation sont organisationnelles (fonctionnement de la structure peu adapté), concernent aussi les ressources (humaines, matérielles) ainsi que le manque de connaissance et de formation [1]. Un autre élément, non cité dans cette enquête, pourrait être des résultats parfois décevants en pratique clinique vus les moyens engagés. Une application partielle de la technique pourrait expliquer cela, 33.1 % des interrogés utilisant la répétition de tâches (shaping) et seulement 2.7 % toutes les composantes de la technique 1[].

Une majorité des thérapeutes semble se focaliser sur la contrainte du bras sain [1], en négligeant les autres aspects de la technique.

Les questions que nous pouvons nous poser sont : "Est-ce que tous les composants de la technique sont importants pour produire cette amélioration ? Est-ce que la contrainte est l’élément essentiel ?"

Depuis le 1er essai clinique réalisé auprès de patients AVC en phase chronique en 1993 [2] et le 1er essai contrôlé randomisé (ECR) "EXCITE" évaluant la technique originale en 2006 [3], de nombreuses variantes dénommées mCIMT ont été évaluées. Des variantes n’incluant que la contrainte et dénommées "Forced Use Therapy" (Therapie forcée, FUT) ont même été testées.

Il y a quelques semaines, Gert Kwakkel, docteur et kinésithérapeute hollandais, a publié dans le Lancet Neurology, une revue systématique avec méta-analyse comparant les effets respectifs de la CIMT originale, la CIMT modifiée et la FUT.
Les différents types de CIMT sont décrits dans la Figure n°1.

Effets de la Forced Use Therapy

Comparée à une prise en charge classique sans écharpe/gant dans 5 ECR, la FUT n’a pas de supériorité immédiate lorsque l’on regarde la qualité et la quantité d’utilisation du membre supérieur rapportées par le patient.
La fonction motrice, la force de préhension, l’indépendance dans la vie quotidienne ou la qualité de vie n’ont pas été étudiées.

Effets de la CIMT Modifiée

40 ECR ont été inclus dont 15 évaluant l’application dans les 3 premiers mois post-AVC.
Dans la méta-analyse, les auteurs ont compilé toutes les mCIMT ensemble. Ces versions modifiées diffèrent cependant concernant :

  • Le temps d’entraînement (30min à 6h / jour, 2 à 7 fois / semaine, durant 2 à 12 semaines)
  • Le temps d’application de la contrainte
  • La présence ou non de stratégies comportementales permettant d’améliorer la compliance

Comparée à une prise en charge classique, la CIMT modifiée a un effet immédiat faible à modéré (entre 0 et 0.8) sur

  • Fonction motrice du membre supérieur parétique
  • Spasticité (échelle modifiée d’Ashworth)
  • Les activités du membre supérieur (Action Research Arm Test, Wolf Motor Function Test)
  • La qualité et la quantité d’utilisation du membre supérieur rapportées par le patient (Motor Activity Log)
  • Les activités de la vie quotidienne (Barthel, MIF, échelle modifiée de Rankin)

Aucun effet n’est démontré concernant la force de préhension, la sensibilité, la douleur ou la qualité de vie.
Les effets sont maintenus à long terme pour la fonction motrice, les activités du membre supérieur, l’utilisation du membre supérieur.

Une hétérogénéité des résultats a été mise en évidence, ainsi qu’un effet de la qualité de l’étude sur les effets concernant la fonction motrice et l’utilisation du membre supérieur.

Effets de la CIMT originale

1 seul ECR a été inclus.
Comparée à une prise en charge classique, la CIMT originale a un effet immédiat et maintenu à long terme (entre 0.2 et 0.8) sur :

  • Les activités du membre supérieur
  • La qualité et la quantité d’utilisation du membre supérieur rapportées par le patient

De plus, à long terme, l’effet devient significatif concernant la qualité de vie (liée à la fonction de la main) et les activités de la vie quotidienne.

Des différences entre CIMT originale et CIMT modifiée ?

D’après l’analyse de sensibilité réalisée, non. Cependant, vu le grand nombre de versions modifiées, l’hétérogénéité, le risque de surestimation de l’effet lié à la qualité de certaines études, il faut interpréter cela avec prudence.

Faut-il l’appliquer dans les 3 premiers mois ou après les 3 premiers mois post-AVC ?

L’analyse de sensibilité ne permet pas de conclure sur ce point. L’application durant les premières semaines après AVC pourrait être peu bénéfique [4], voire délétère en cas d’application trop intensive (> 3 heures d’entraînement par jour). Sur ce dernier point, les données sont issues d’études animales.

Pour quels patients ?

Le critère retenu pour l’étude originale était une extension volontaire du poignet, des métacarpo-phalangiennes (MP) et des inter-phalangiennes (IP) [3].
Les auteurs de cette revue proposent de distinguer les patients :

  • Avec une bonne fonction : au moins 20° d’extension active du poignet, 10° d’extension pour TOUTES les MP et les IP.
  • Avec une faible fonction : au moins 10° d’extension active du poignet, 10° d’ABDuction ou d’extension du pouce, 10° d’extension de 2 autres doigts.

Synthèse (Figure n°2)

Commentaires Actukiné

La qualité méthodologie de cette revue systématique avec un score AMSTAR (en pièce jointe) de 7/11. Il existe cependant un risque de biais de sélection (pas de sélection par 2 relecteurs indépendants).
Cette revue permet une synthèse intéressante et de conclure que la contrainte par une écharpe ou autre n’est pas l’élément essentiel de la technique. Il faudra déterminer dans le futur quelle est l’importance du contenu de l’entraînement moteur dans l’effet observé (simple répétition, basé sur l’apprentissage moteur, etc.), mais aussi quelle est l’importance des techniques comportementales (qui sont inclues si l’entraînement se base sur les principes de l’apprentissage moteur) ?
Par ailleurs, la question du choix de l’entraînement bi-manuel versus uni-manuel se pose aussi. Le bi-manuel pourrait être à privilégier avec utilisation complémentaire de l’uni-manuel [5,6].
Enfin, les barrières à l’utilisation de la technique existent en France et seraient à investiguer afin d’envisager des solutions permettant l’application de celle-ci en réadaptation neurologique.
Des modalités d’entraînement en groupe, en ateliers, dans un environnement enrichi en complément d’une modalité 1 thérapeute / 1 patient 2 à 4 x 30 min d’entraînement (kinésithérapie et ergothérapie) sont à évaluer par rapport à la modalité 1 thérapeute / 1 patient.

Référence de la revue systématique

Références

[1] Pedlow K, Lennon S, Wilson C. Application of constraint-induced movement therapy in clinical practice: an online survey. Arch Phys Med Rehabil. 2014 Feb;95(2):276-82.
[2] Taub E, Miller N, Novack T, et al. Technique to improve chronic motor defi cit after stroke. Arch Phys Med Rehabil 1993; 74: 347–54.
[3] Wolf S, Winstein C, Miller J, et al. Eff ect of constraint-induced movement therapy on upper extremity function 3 to 9 months after stroke: the EXCITE randomized clinical trial. JAMA 2006; 296: 2095–104
[4] Dromerick A, Lang C, Birkenmeier R, et al. very early constraint-induced movement during stroke rehabilitation (VECTORS): a single-center RCT. Neurology 2009; 73: 195–201.
[5] Brunner I, Skouen J, Strand L. Is modified constraint-induced movement therapy more eff ective than bimanual training in improving arm motor function in the subacute phase post stroke? A randomized controlled trial. Clin Rehabil 2012; 26: 1078–86.
[6] van Delden A, Peper C, Nienhuys K, Zijp N, Beek P, Kwakkel G. Unilateral versus bilateral upper limb training after stroke: the Upper Limb Training After Stroke Clinical trial. Stroke 2013;44: 2613–16.