Le conflit de hanche, ou conflit fémoroacétabulaire (fémoroacétabular impigement : FAI) est une pathologie de plus en plus présente dans le paysage de la littérature scientifique. Cette dénomination désigne une cinématique anormale avec impact entre le fémur et l’acétabulum au sein de la capsule.
Cette modification de cinématique est due à des anomalies morphologiques sur l’un ou l’autre des éléments anatomiques concernés.
Il existe 2 types majeurs de FAI : le type Cam ou le type Pincer. même si le conflit peut se produire sur tout le pourtour acétabulaire, la situation la plus fréquente est un conflit avec la partie antérolatérale de l’acétabulum.
Une petite dose d’histoire (petite on a dit !)
Le terme de FAI a été mentionné la première fois en 1999 par Myers et al, mais il semblerait que des descriptions de ce phénomène anatomique aient existé depuis plus d’un siècle. Au milieu du 19e siècle, des investigations anatomiques décrivaient déjà des variantes morphologiques de la hanche, que l’on associerait aujourd’hui au FAI.
Initialement, la publication de 1999 proposait que le FAI soit l’une des causes de douleur idiopathique de hanche. Après cette publication, le nombre de recherches sur le sujet a explosé. Aujourd’hui, la reconnaissance de cette condition arrive peu à peu dans les programmes d’enseignement en formation initiale et continue !
Pendant des années, la solution privilégiée à cette pathologie a été considérée comme étant la chirurgie. en 1898, des témoignages d’un chirurgien britannique ayant traité la hanche d’un jeune garçon de 12 ans par une ostéotomie partielle font état d’une amélioration notable de la mobilité du sujet. Plusieurs récit d’opérations en 1903, 1909 et 1936 reprennent les mêmes principes.
A la fin du 20e siècle, l’imagerie par radiographie s’illustre comme un atout de choix pour la reconnaissance des déformité. Elle sera notamment utilisée à partir de 1911 pour diagnostiquer une première fois le FAI.
Un peu plus tard, en 1939, le Dr Wiberg proposait analyse angulaire sur radiographie appelée « lateral central edge view », plus tard complétée en 1999 afin d’observer l’angle de couverture de l’acétabulum, et ainsi examiner l’importance d’un conflit de hanche dans son ensemble.
L’arrivée au 21è siècle a vu exploser l’intérêt accordé au FAI.
Le terme de « femoroacetabular impigement » fait son entrée. des analyses chirurgicales et radiologiques ont alors montré que les techniques de diagnostic employées à ce moment ne permettaient pas de diagnostiquer l’entièreté des sujets atteints. l’utilisation de nouveaux facteurs radiologiques : le « pistol grip » et le « tilt » permettent l’élaboration d’un angle alpha et d’une mesure de décalage tête-cou (head-neck offset) sensées asseoir les certitudes de diagnostic de FAI.
même si l’angle alpha est le facteur majoritaire de diagnostic, il existe aujourd’hui de nombreuses mesures (dans plusieurs angles radiologiques) permettant une compréhension encore plus fine du FAI.
Pour résumer, même si le FAI est un sujet ressorti essentiellement depuis l’arrivée au 21è siècle, sa description et des écrits le décrivant sont bien plus anciens ! Je vous invite à lire l’excellente publication de Matsumoto et al figurant dans les sources de cet article.
Histoire naturelle de la maladie
Comme expliqué plus haut, il existe 3 types de déformations concernant le FAI : le type Cam : une anomalie de la tête fémorale empêchant une forme arrondie, le type pincer : provenant d’une excroissance au niveau de l’acétabulum, entrant alors plus facilement en conflit avec le col du fémur lors des mouvements. enfin, un type mixte est aussi possible.
La mécanique de conflit est différente entre les deux formes. Mais dans les deux cas, les conflits répétés entre structures tissulaires et osseuses mènent à une blessure de l’articulation au niveau de la jonction cartilagineuse. L’effet le plus observé est la dégradation progressive du cartilage et l’évolution vers l’arthrose.
Le FAI est habituellement considéré comme étant un trouble d’apparition progressive via des contraintes répétées sur le cartilage. D’autres causes, plus rares, sont néanmoins possibles : ostéonécroses de la tête, dysplasies pédiatriques, maladie de Perth. et autres maladies plus rares.
Sur les études radiographiques, Clohisy et al ont observé, chez des patients pour qui des prothèses totales de hanches (<50ans) étaient prévues pour FAI, que 63% avaient des FAI type Cam, 6% avaient des types Pincer, et 29% des formes mixtes. En revanche, dans une autre étude de Franck et al, chez les sujets asymptomatiques, 37% avait un type Cam, 67% un type Pincer, et le reste une forme mixte. néanmoins, il convient de préciser que d’autres études proposent une répartition différente, même si le type cam semble prédominer.
De manière générale, les patients atteints sont jeunes ou adultes. La morphologie « Cam » est plus fréquemment observée chez les jeunes sujets actifs tandis que la forme Pincer se retrouve plus souvent chez les femmes d’âges intermédiaires.
L’origine de la pathologie est probablement multifactorielle incluant une composante génétique, mais aussi une composante activité-dépendante.
la pathologie se caractérise généralement par l’installation progressive d’une douleur de hanche ou pubienne (groin). La douleur est exacerbée par l’exercice, les pratiques sportives, et les marches prolongées.
Concernant le type Cam
Il existe aujourd’hui des liens forts que le FAI de type CAM est lié à l’apparition d’arthrose sur les radiographies. cette apparition est une cause majeure chez ces patients, de recours aux prothèses totales de hanche lors de suivis de 20ans chez ces patients.
En terme de chiffres, chaque degré d’angle alpha au dessus de 65° correspondait à 5% de risque supplémentaire d’arthrose radiographique et 4% de risque de prothèse totale de hanche. d’autres études pointent des liens similaires. ces relations sont accentuées lorsque l’angle alpha élevé est associé à une rotation médiale de hanche (>20° à 90° de flexion de hanche), le risque de développer de l’arthrose radiologique est de plus de 50%…
Concernant le type Pincer :
Les données concernant le type Pincer ne sont pas aussi riches que celles concernant le type Cam. Les études prospective sur le sujet suggèrent un risque accru d’arthrose, sans que les résultats soient de fortes certitudes. Ce type de FAI, semble, lorsqu’il est associé à une rétroversion acétabulaire, augmenter le risque d’arthrose radiologique !
Au sujet de l’histoire de la maladie, je vous recommande l’article de Wylie et al, de très bonne qualité.
Physiothérapie et recours à la chirurgie
L’interrogatoire des thérapeutes relève généralement une douleur profonde de hanche, de rythme mécanique à l’exercice ou à la sollicitation prolongée.
La rotation interne de hanche du patient est limitée, en association avec une altération radiographique de la hanche du patient. Cette diminution de rotation de hanche s’observe parfois en flexion de hanche (à 90°). La comparaison au côté controlatéral est possible. Néanmoins, la déformation osseuse, même si elle est asymptomatique, est souvent retrouvée bilatéralement.
Plusieurs tests orthopédiques existent et je ne les détaillerai pas ici, notamment parce que cela nécéssiterait d’approfondir sur leurs qualités diagnostiques, ce qui est un travail fastidieux.
Citons tout de même le test de FABER, IROP, Lateral rim impigement test, Scour, Stinchfield test, FADIR.
Concernant l’imagerie, il arrive fréquemment que le patient se présente avec des clichés radiologiques. Les clichés obtenus avec une vision antéropostérieur et latérale sont les plus fréquemment retrouvés. Mais d’autres angles plus spécifiques peuvent faciliter et préciser le diagnostic. Dans tous les cas, il faudra veiller au positionnement et à la rotation de la hanche observée. Plus encore que pour une autre pathologie morphologique.
Des clichés IRM sont parfois utilisés en vue d’une future opération. Un liquide de contraste couplé à un anesthésique permet parfois de préciser le diagnostic lorsqu’il entraine une diminution de la douleur après l’injection locale. de manière générale, la vision par IRM est plus précise pour l’exclusion d’autres pathologies.
Traitement conservateur ou chirurgical ?
Aujourd’hui, le traitement conservateur montre des effets encourageants, à tel point que la chirurgie est même décrite par moments comme étant sans fondements importants à son profit. Le traitement adapté semble être un entraînement de la stabilité du tronc, et une lutte contre les attitudes vicieuses et de compensation. La réduction de l’exposition au conflit (en adaptant les activités) est une piste prometteuse. dans tous les cas, les patients asymptomatiques ou peu symptomatiques bénéficieraient d’avantage d’un traitement conservateur à base de physiothérapie.
Les patients atteints de formes importantes de la pathologie peuvent s’orienter vers le traitement conservateur, qui, s’il échoue ou donne des résultats trop limités pourra être complété de chirurgie.
En terme de chirurgie, la littérature est mitigée à son sujet. certaines études pointent le manque de preuves, mais je ne peux m’empêcher d’ajouter une méta-analyse récente dans la balance. Celle ci illustre très bien cette dualité : des preuves modérées montrent une non-supériorité du traitement conservateur dans les premiers temps de la pathologie, et des preuves faibles suggèrent les mêmes résultats à distance… sa qualité et sa récence m’ont incité à vous la partager ici.
3 sortes majoritaires de chirurgie sont employées : l’opération ouverte de dislocation de hanche, l’opération mini invasive, et l’opération arthroscopique. La première est moins utilisée de nos jours en raison de son aspect très invasif. la méthode arthroscopique est préférée pour la même raison : elle occasionne très peu d’effets secondaires ou de complications. Super !
Là aussi, je me permets de vous joindre un papier sympathique de Berkcan et al. Celui ci suggère que l’évolution des patients après opération d’arthroplastie est prévisible dès la première année post-op. En somme, une bonne récupération rapide est un facteur pronostic favorable de bonnes capacités fonctionnelles et de faible douleur à 5 ans.
Les Apports du consensus de Warwick 2016
En 2016, 25 sociétés savantes du monde entier se sont réunies pour aboutir au consensus de Warwick sur le FAI. Je vous joins ici quelques décisions qui en ont été tirées :
Tout d’abord, cela concerne la définition de FAI. Le syndrome fémoroacétabulaire est une condition de la hanche liée à un mouvement anormal. Associée à une triade de symptômes, signes cliniques et imageries. Il représente un contact prématuré entre la partie proximale du fémur et l’acétabulum. Ce contact est symptomatique.
Comment devons nous diagnostiquer le FAI : comme dit plus haut, cela se fait par l’association de symptômes, de signes cliniques et d’imageries anormales. Plus précisément : les symptômes retenus sont : une douleur liée au mouvement ou à une position spécifique de hanche ou de l’aine (plus rarement la douleur peut se produire dans le dos, les fesses et autres). Nous pouvons aussi observer des coincement, blocages, raideurs, craquements (ou cliquements) et une amplitude articulaire réduite.
Les signes cliniques du FAI ne sont pas à considérer séparément. c’est leur association qui présente un intérêt. Les tests de reproduction de la douleur sont adaptés et largement employés. parmi eux : le FADIR est le plus utilisé, attention, sa sensibilité est bonne, mais pas sa spécificité. De plus, les amplitudes en flexion rotation sont généralement limitées.
En ce sui concerne l’imagerie, une vue antéropostérieure de la région pelvienne et de la partie latérale du col fémoral devraient être réalisées en premier lieu. Pour des observations plus approfondies, notamment du cartilage et du labrum, des vues en coupe sont utiles.
En terme de traitement, celui ci peut être conservateur ou chirurgical. Le traitement conservateur peut inclure de l’information au patient, un suivi des symptômes, des modifications du mode de vie et des activités. La rééducation de physiothérapie inclus des exercices de stabilisation de la hanche, du contrôle moteur, du renforcement, un travail des amplitudes articulaires et sur le mouvement.
La chirurgie aide à restaurer la forme de la hanche et les tissus endommagés. Il est important de pouvoir disposer de toutes les options thérapeutiques.
Les patients atteints de FAI connaissent souvent des améliorations dans leurs conditions. néanmoins, sans traitement les symptômes ont tendance à empirer avec le temps. Il est probable que cette pathologie mène à de l’arthrose de hanche au long terme en l’absence de traitement.
Comment agir avec les personnes atteintes de FAI asymptomatique ? L’évolution de la pathologie dans ces cas là est peu claire, mais le traitements préventif pourrait avoir une influence sur l’évolution des populations à risques.
Les outils de mesure de l’évolution de la pathologie pourraient être le iHOT, le questionnaire HAGOS, le HOS notamment.
Voilà, c’est tout pour ce dossier. Gardons à l’esprit qu’il s’agit ici d’une brève qui ne fait qu’effleurer le sujet. Les pro du domaines trouveront probablement pleins de choses à redire, et je les invite à compléter les informations qu’ils jugent importantes en me les envoyant ou en les partageant sur le groupe Facebook « Evidence-Based Kinésithérapie » .
En espérant que tout ça vous plaira,
Bon dimanche ! 🙂
Sources :
[1] Matsumoto, K., Ganz, R., & Khanduja, V. (2020). The history of femoroacetabular impingement. Bone & Joint Research, 9(9), 572–577. doi:10.1302/2046-3758.99.bjr-2020-0003
[2] Wylie, J. D., & Kim, Y.-J. (2019). The Natural History of Femoroacetabular Impingement. Journal of Pediatric Orthopaedics, 39, S28–S32. doi:10.1097/bpo.0000000000001385
[3] Maupin, J., Steinmetz, G., & Thakral, R. (2019). Management of femoroacetabular impingement syndrome: current insights. Orthopedic Research and Reviews, Volume 11, 99–108. doi:10.2147/orr.s138454
[4] Bastos RM, de Carvalho Júnior JG, da Silva SAM, Campos SF, Rosa MV, de Moraes Prianti B. Surgery is no more effective than conservative treatment for Femoroacetabular impingement syndrome: Systematic review and meta-analysis of randomized controlled trials. Clinical Rehabilitation. November 2020. doi:10.1177/0269215520966694
[5] Akpinar B, Lin LJ, Bloom DA, Youm T. Hip Arthroscopy for Femoroacetabular Impingement: 1-Year Outcomes Predict 5-Year Outcomes. The American Journal of Sports Medicine. November 2020. doi:10.1177/0363546520968562
[6] , et al The Warwick Agreement on femoroacetabular impingement syndrome (FAI syndrome): an international consensus statement