Les exploits de Paul Le Poulpe lors de la dernière coupe du monde de football ont fait couler beaucoup d’encre chez les bookmakers (des pronostics sur les équipes victorieuses qui frôlaient le fruit du hasard, excusez du peu…). Il n’en fallait pas plus pour que Paul se lance de nouveau défis : cinéma (Poulpe Fiction est un ”hors d’œuvre” d’après les Canettes) mais aussi mannequinat (les lecteurs d’Encornet Magazine plébiscitent ses formes poulpeuses) et désormais plongées dans le monde de la Science …

Un peu tiré par les tentacules me direz-vous ? Effectivement, soyons sérieux un instant puisqu’il est plutôt question de calmars dans la récente étude de Crook et al. (1) dont l’objectif était d’étudier les impacts de la douleur sur les comportements, et plus exactement, l’impact de ce que son équipe nomme ”sensibilisation nociceptive” sur le risque de prédation. L’objectif de leurs multiples travaux est de comprendre l’utilité d’une douleur qui persiste.

Car il est courant de parler de douleur adaptée quand on évoque la nociception alors qu’on réserve les termes de douleur inadaptée à la douleur chronique (question récurrente : à quoi peut servir une douleur qui subsiste au delà du temps de cicatrisation tissulaire ?). Crook a donc cherché à savoir si une douleur persistante due à la blessure d’une tentacule pouvait modifier les comportements de calmars face à des prédateurs naturels : les loups/bars (je précise qu’il n’y a pas de jeu de mot).

La lésion tentaculaire infligée 6 heures avant l’expérience n’avait pas d’effet visible sur le comportement de nage des calmars même si les bars repéraient préférentiellement ces proies. Cette lésion induisait bien un phénomène de sensibilisation (”widespread long-term sensitization”) qu’il semblait possible d’assimiler à une sensibilisation centrale : non, vous ne rêvez pas, les chercheurs ont bien réalisé un Quantitative Sensory Testing au monofilament de Von Frey sur des calmars et ils ont identifié un processus de sensibilisation secondaire (sensibilité tactile anormalement augmentée en terme de surface et de pression 6h et 24h après la lésion) (2). Ensuite, les populations de calmars sains et blessés recevaient ou pas un anesthésiant contrôlant ce processus de sensibilisation et étaient plongés avec les bars.

Au final, si la blessure augmentait le risque d’attaque par le prédateur, la douleur persistante permettait au calmar d’adopter des comportements de survie (ils sont détaillés dans l’article) plus efficaces que les calmars anesthésiés. Il semble donc que dans cette étude, la réponse douloureuse ne soit plus aussi inadaptée que cela.

En attendant d’en savoir davantage, il était sympathique de plonger au côté de Paul et de le cuisiner sur ses pronostics pour le Mondial … ceci étant fait, je le passe cruellement à la plancha demain midi !

Références

(1) Crook, R. J., Dickson, K., Hanlon, R. T., & Walters, E. T. Nociceptive Sensitization Reduces Predation Risk. Curr Biol. 2014 May 19;24(10):1121-5.
Abstract ici.

(2) Crook RJ, Hanlon RT, Walters ET. Squid have nociceptors that display widespread long-term sensitization and spontaneous activity after bodily injury. J Neurosci. 2013 Jun 12;33(24):10021-6.
En accès libre ici