A la conquête de l
L’hémi-négligence (négligence spatiale unilatérale) est l’incapacité à détecter, s’orienter vers, ou répondre à des stimuli sensoriels présentés dans l’hémi-espace controlatéral (au côté de la lésion cérébrale). L’extinction est l’inaptitude à reporter ou répondre à des stimuli présentés dans l’espace controlésionnel quand ceux-ci sont délivrés en même temps que d’autres stimuli délivrés dans l’espace ipsilésionnel (notion de compétition).

Une étude (1) s’est intéressée à la détection des stimuli nociceptifs chez des patients atteints d’hémi-négligence en les comparant à des patients post-AVC sans hémi-négligence et à un groupe contrôle. Deux individus présentaient une extinction nociceptive (stimuli thermiques nociceptifs chaud/froid appliqués aux mains) similaire au phénomène d’extinction tactile : ces sujets détectaient correctement les stimuli nociceptifs lorsque ceux-ci étaient appliqués uniquement à la main controlésionnelle mais ne les percevaient plus du côté controlésionnel quand ils étaient appliqués aux deux mains simultanément. Sept cas étaient particulièrement intéressants puisqu’ils présentaient une alloesthésie nociceptive, c’est à dire qu’ils détectaient bien les stimuli nociceptifs (détection correcte) mais les situaient le plus souvent sur la main ipsilatérale (localisation incorrecte). En outre, ces patients ne savaient pas distinguer la nature des stimuli (chaud ou froid). Cette expérience semble confirmer que des troubles impactant l’attention ont de puissants effets sur la perception douloureuse tant au niveau de sa nature que de sa localisation.

Les stratégies utilisées par le cerveau pour repérer le stimulus nociceptif constituent encore une source d’interrogations. La représentation anatomique seule ne semble pas suffisante pour permettre de localiser correctement la source de la nociception. Moseley (2) a montré que la stratégie utilisée par des patients atteints de SDRC était basée sur une représentation spatiale de leurs corps indépendamment de la localisation somatotopique de leurs symptômes. Ainsi, lorsqu’il stimulait simultanément les mains de ces patients alors que leurs membres supérieurs étaient dans une position normale, les sujets avaient tendance à négliger la stimulation tactile du coté pathologique ; en revanche ils négligeaient la stimulation tactile du coté sain lorsqu’ils avaient les membres supérieurs croisés.

Il semble que la détection et la localisation d’un stimulus nociceptif appliqué sur une zone corporelle soient fortement dépendantes de l’attention placée sur cette zone et que le référentiel utilisé pour y orienter l’attention dépend de la position des segments corporels dans l’espace, de la vision de ces segments et de l’intégration des informations en provenance des différents sens (3).

Et chez le sujet sain me direz-vous ? Réponse lundi…

REFERENCES

(1) Liu CC, Veldhuijzen DS, Ohara S, Winberry J, Greenspan JD, Lenz FA. Spatial attention to thermal pain stimuli in subjects with visual spatial hemi-neglect: extinction, mislocalization and misidentification of stimulus modality. Pain. 2011 Mar;152(3):498-506.
Accès libre ici

(2) Moseley GL, Gallace A, Spence C. Space-based, but not arm-based, shift in tactile processing in complex regional pain syndrome and its relationship to cooling of the affected limb. Brain. 2009 Nov;132(Pt 11):3142-51
Accès libre ici

(3) Legrain V. Where is my pain? Pain. 2011 Mar;152(3):467-8.