Faut-il pour autant conclure que nos essais cliniques souffrent de graves problèmes méthodologiques ? Une étude relativement récente (1) sur l’interaction entre opioïdes et attente de bénéfices du traitement semble les conforter. Ce travail comporte deux sous-études sur le remifentanil : la première comporte 4 bras : « ouvert » (les sujets s’attendent à avoir le médicament et le reçoivent), « contrôle » (ils s’attendent à ne pas recevoir le médicament et ne le reçoivent pas), « placebo » (ils s’attendent à l’avoir mais ne le reçoivent pas) et « masqué » (ils s’attendent à ne pas l’avoir mais le reçoivent). Dans l’autre sous-étude cette analyse à quatre bras est remplacée par un contrôle en IRMf avec un modèle pharmacocinétique (concentration médicamenteuse en fonction du temps). Les résultats semblent montrer qu’il n’existe pas d’interaction mutuelle entre le remifentanil et l’attente de bénéfice du traitement ; les deux réduisent bien la douleur mais leurs effets respectifs semblent dissociables et s’ajoutent simplement d’un point de vue clinique.
Cette étude comporte cependant une faiblesse mise en avant par Mueller et al (2). Dans le protocole d’Atlas (1), la seule différence entre les administrations « ouverte » et « masquée » est l’attente du bénéfice du traitement qui est manipulé verbalement. Le problème c’est qu’en stipulant aux sujets qui doivent subir des stimulations douloureuses qu’ils vont recevoir soit des antalgiques soit rien du tout, on peut faire varier leur état d’anxiété et avoir un impact différent sur l’expérience douloureuse (3). Donc le groupe « masqué » peut différer par un autre facteur que celui de l’attente des bénéfices. Les facteurs psychologiques dont nous parlions précédemment sont nombreux, propres à chaque individu et interagissent possiblement entre eux, avec la voie modulante descendante et avec les mécanismes intrinsèques des traitements : il existe plusieurs placebos qu’il faut parvenir à contrôler !
Les études dont nous parlons concernent des médicaments. En thérapie manuelle, il est souvent bien difficile de cacher au patient son traitement. Nous l’avons dit, une alternative pourrait être d’ajouter un bras avec une manipulation verbale. Par exemple, plutôt que d’essayer de réaliser une technique sur un sujet sans qu’il s’en aperçoive (sauf si il est ivre bien entendu), on pourrait produire cette technique en lui expliquant qu’il fait partie du groupe où il doit recevoir une fausse manipulation qui n’a pas d’effet. Quelques travaux commencent à s’intéresser à cette notion d’attente de bénéfices (4) dans les thérapies physiques.
Une chose est certaine : nous sommes encore loin de comprendre précisément les mécanismes de fonctionnement de nos thérapies manuelles …
Le placebo, une affaire à suivre…
Références
En accès libre ici
(2) Mueller M, Bjørkedal E, Kamping S. Manipulation of expectancy and anxiety in placebo research and their effects on opioid-induced analgesia. J Neurosci. 2012 Oct 10;32(41):14051-2.
En accès libre ici
(3) Flaten MA, Aslaksen PM, Lyby PS, Bjørkedal E (2011) The relation of emotions to placebo responses. Philos Trans R Soc B 366:1818–1827.
En accès libre ici
(4) Kong J, Kaptachuk TJ, Polich G, Kirsch I, Vangel MG, Zyloney C, Rosen BR, Gollub RL. Expectancy and treatment interactions: a dissociation between acupuncture analgesia and expectancy evoked placebo analgesia. NeuroImage. 2009b;45:940–949.
En accès libre ici