Introduction
Il y aurait surement un intérêt à faire un peu les 2 chez l’adulte, mais nous aborderons cela dans un prochain article.
Des données chez le singe suggèrent l’intérêt d’un entraînement actif, stimulant / difficile (pour faire progresser) et qui demande un raisonnement de plus en plus important pour favoriser la réorganisation corticale lorsqu’il est comparé à un entraînement basé sur la répétition uniquement [1].
Chez l’enfant paralysé cérébral (PC), il a été démontré qu’un entraînement répété simple d’une tâche permettait d’être plus performant lors de celle-ci [2]. L’intensité est sûrement un élément important, mais pas nécessairement le seul.
L’hypothèse de cette étude est que l’entraînement bi-manuel intensif structuré en groupe est plus efficace que l’entraînement non structuré en groupe chez l’enfant hémiplégique, quel que soit le critère d’évaluation.
Méthode
Inclusion : enfant avec une hémiplégie congénitale, entre 6 et 13 ans, capable de déplacer son membre supérieur sur plus de 15 cm, de prendre des objets légers, scolarisé, capable de suivre les instructions lors des évaluations et de l’entraînement.
Exclusion : problèmes de santé pas en lien avec l’hémiplégie congénitale, convulsions, problèmes visuels pouvant gêner l’entraînement, spasticité (échelle modifiée d’Ashworth > 3.5), chirurgie de la main parétique il y a moins d’1 an, injection de toxine botulique il y a moins de 6 mois.
Entrainement
L’entrainement bi-manuel intensif structuré ou non a été réalisé lors de "camps d’été". La durée de ces "camps" était de 15 jours consécutifs pour un total de 90h d’entraînement, soit 6h/jour.
Cet entrainement codifié est dénommé HABIT pour Hand-Arm Bimanual Intensive Training et a fait l’objet de différentes publications [3,4,5].
Les enfants sont encadrés par des interventionnistes qui peuvent être des étudiants ou des diplômés en kinésithérapie, orthophonie, psychologie. Ils n’étaient pas au courant de la répartition des enfants dans les groupes. Il y avait 1 interventionniste : 1 enfant. Le rôle de l’interventionniste est d’inciter de manière verbale l’enfant à utiliser le plus possible sa main parétique ou les 2 mains, en fonction de la tâche à réaliser.
Chaque entrainement a eu lieu dans une pièce différente, supervisé par un kinésithérapeute pour le groupe "entrainement structuré" et par un "non-clinicien" pour le groupe "entrainement non-structuré".
Les 2 groupes ont été aussi supervisés par un ergothérapeute et un "non-clinicien".
A la fin de l’entraînement, les parents devaient les solliciter 1h / jour durant le camp et les 6 mois suivant à pratiquer des activités bi-manuelles à l’aide d’un journal d’activité.
Contenu de l’entrainement structuré (ES)
Activités bi-manuelles fines et amples, avec évolution progressive d’une main d’appoint assistant l’autre (stabilisation des objets) à une main active manipulant l’objet. Les activités (jeux) ont été sélectionnées et évoluaient petit à petit en fonction de l’objectif à atteindre. Les mouvements demandés étaient symétriques et asymétriques.
L’entrainement de tâches fonctionnelles (manger, boire, s’habiller ; jouer) se faisait en fonction de l’envie de l’enfant et de ses capacités. Il était réalisé durant 30min/jour.
Contenu de l’entrainement non structuré (ENS)
Mêmes activités, mais sans adaptation ou progression. Pas d’entraînement de tâches fonctionnelles. Les activités proposées par l’interventionniste devaient solliciter les 2 mains de manière ludique (jeux) et éviter la frustration de l’enfant ainsi que la perception du but thérapeutique de ces activités. Le but était d’utiliser le plus possible la main la plus faible sans prendre en compte comment elle faisait les activités et comment améliorer son utilisation dans ces activités.
Critères d’évaluation
Principaux
Jebsen Taylor Test évalue la performance (temps en secondes) lors d’activités unimanuelles.
Assisting Hand Assessment (AHA) évalue la capacité à utiliser la main parétique lors d’activités bi-manuelles
Secondaires
Mesure Canadienne de Rendement Occupationnel qui identifie les problèmes fonctionnels importants pour les patients et évalue les évolutions relatives à ces problèmes. Les objectifs fonctionnels sont classés par ordre d’importance.
Pediatric Evaluation of Disability Inventory (PEDI) évalue l’indépendance de l’enfant dans les activités réalisées à la maison. Il est rempli par les parents.
ABILHAND-Kids est un questionnaire évaluant les capacités manuelles de l’enfant via une liste définie d’activités. Il est rempli par les parents.
13 enfants ont été monitorés avec des capteurs d’activité afin d’évaluer le degré d’activité dans chaque groupe
Statistiques
Les effectifs ont été calculés afin de détecter un changement de 131.25 ± 121.86 secondes au Jebsen Taylor Test. Il fallait 11 sujets dans chaque groupe pour avoir une puissance suffisante.
Une analyse en intention de traiter a été prévue.
Résultats
10 enfants ont été évalués à la fin de l’entraînement et à 6 mois post-entraînement.
Intensité
Sur les 6h/jour prévues, les enfants ont été actifs durant plus de 90 % du temps (ES : 94.3 %; ENS : 98.9 %).
Le pourcentage d’activité de chaque main est détaillé dans le Graphique n°1, sans différence statistiquement significative entre les 2 groupes.
En moyenne, la difficulté des tâches a été augmentée 54 fois dans le groupe ES contre 0 dans le groupe ENS.
Amélioration significative dans les 2 groupes immédiatement après l’entraînement pour le Jebsen Taylor Test ou l’AHA (Graphique n°2). Pas d’interaction entre le type de groupe (ES ou ENS) et l’évaluation. Les résultats sont maintenus à 6 mois pour le Jebsen Taylor Test.
Amélioration significative dans les 2 groupes immédiatement après l’entraînement et à 6 mois (Graphique n°3) pour l’Abilhand-Kids, le PEDI (self-care et soignants), la mesure canadienne de rendement occupationnel (performance et satisfaction) [MCRO]. Interaction significative pour le groupe ES concernant la MCRO et la partie self-care du PEDI.
Conclusion des auteurs
Commentaires Actukiné
N’étant pas familier avec le test statistique que les auteurs ont utilisé (Newman-Keuls), j’ai voulu calcul les intervalles de confiance afin d’objectiver l’effet d’un type d’entrainement par rapport à l’autre, mais impossible sans les écarts-types.
De même, j’ai voulu observer si les différences étaient cliniquement significatives entre intra-groupe, mais impossible aussi car il n’existe pas de différence minimale détectable (DMD) ou de différence minimale cliniquement importante (DMCI) pour le Jebsen Taylor Test ou l’Assisting Hand Assessment, ainsi que pour l’Abilhand-Kids ou le PEDI. Des valeurs de DMD existent pour la mesure canadienne de rendement occupationnel, mais chez le patient AVC adulte (amélioration de 1.7 points pour la performance, amélioration de 2.7 points pour la satisfaction).
La limite principale de l’étude, rapportée aussi par les auteurs, est son manque de puissance, calculé uniquement pour une mettre en évidence une différence sur le test de Jebsen. Un effectif calculé pour une différence pour la MCRO ou l’Abilhand-Kids ou le PEDI aurait plus pertinente car la finalité de toute action thérapeutique est la vie quotidienne. L’effet à ce niveau aurait pu être plus important avec un effectif plus grand. Ces résultats sont faiblement en faveur de l’entrainement structuré. Est-ce l’effet des 30min/jour de pratique fonctionnelle ? De la pratique au domicile durant et après l’entraînement ? Est-ce dû à la combinaison de l’entrainement ludique ET fonctionnel ? Des recherches passionnantes à venir pour répondre à cela.
L’élément indispensable à retenir en lisant cette étude est l’importance de proposer une rééducation intensive (nombre d’heures d’entrainement) aux enfants hémiplégiques, que ce soit sous forme de camp ou sous toute autre forme.
Nous reviendrons sur l’intérêt de l’HABIT dans de prochains articles.
Référence de l’étude
Pour en savoir plus sur le contenu de l’HABIT
Cette technique a traversé l’Atlantique. Les camps sont proposés aux Pays-Bas, mais aussi en Belgique grâce à une fondation mise en place notamment par Yannick Bleyenheuft, Professeur à l’Université Catholique de Louvain, Docteur en Sciences de la Motricité, Kinésithérapeute.
Références
[2] Gordon AM, Duff SV. Relation between clinical measures and fine manipulative control in children with hemiplegic cerebral palsy. Dev Med Child Neurol. 1999;41:586-591.
[3] Charles J, Gordon AM. Development of hand-arm bimanual intensive training (HABIT) for improving bimanual coordination in children with hemiplegic cerebral palsy. Dev Med Child Neurol. 2006;48:931-936
[4] Gordon AM, Schneider JA, Chinnan A, Charles JR. Efficacy of a hand-arm bimanual intensive therapy (HABIT) in children with hemiplegic cerebral palsy: a randomized control trial. Dev Med Child Neurol. 2007;49:830-838.
[5] Gordon AM, Hung YC, Brandao M, et al. Bimanual training and constraint-induced movement therapy in children with hemiplegic cerebral palsy: a randomized trial. Neurorehabil Neural Repair. 2011;25:692-702.