L’équipe de neuroscientifiques dirigée par Enrik Ehrsson* est une des plus actives dans la recherche sur les illusions de type  »RHI » et  »out-of-body illusions » (nous allons bientôt aborder ces dernières). Une de leurs expérimentations a étudié les modifications d’activités cérébrales dans le cerveau des sujets au cours de 4 conditions sous RHI : brossage synchrone ou asynchrone, main plastique orientée correctement (congruence) ou à 180° (incongruence). Avant la phase d’imagerie, un test évaluant la qualité de l’illusion confirmait que la plus forte intensité était retrouvé en RHI classique (condition synchrone et congruente). Il semble que l’activité des aires prémotrices reflète la perception de sa propre main (conscience de soi). La partie ventrale du cortex prémoteur est un bon candidat à cette intégration multimodale puisqu’elle est par exemple connectée aux aires visuelles et somatosensorielles du cortex pariétal postérieur et au cervelet. Elle reçoit donc à la fois des inputs visuels, proprioceptifs et tactiles et contient également des neurones miroirs. L’activité observée au niveau du cortex prémoteur en IRMf lors de l’illusion pourrait par exemple symboliser l’association des signaux visuels (voir la main en plastique) et somatiques (le pinceau frotté sur la peau).

Bien que la plupart des études récentes sous RHI confirment l’activité prémotrice (2), d’autres comme l’étude de Tsakiris (3) retrouvent une activité dans des aires différentes (notamment dans l’insula).

En 2005, Ehrsson (4) modifie le RHI pour vérifier à nouveau les aires impliquées dans la perception de soi : le RHI mute en  »RHI somatique » ! Dans son protocole, les sujets ont désormais les yeux bandés. L’expérimentateur prend l’index gauche du sujet pour lui faire toucher l’index droit de la main factice et stimule en même temps l’index droit de la main réel. Le tout est effectué sous IRMf. Les aires cérébrales les plus actives lors de l’illusion sont le cortex prémoteur (bilatéral), le cortex intra-pariétal gauche et le cervelet (bilatéral), confirmant les résultats de l’étude ci-dessus.

Ce RHI modifié constitue un pas important dans la compréhension des mécanismes de perception du soi car il montre que la genèse de cette perception n’est pas simplement dépendante de la dominance visuelle sur la somesthésie : ainsi, des signaux proprioceptifs et tactiles congruents temporellement suffisent à changer la perception de soi.

A suivre : simuler simplement votre propre illusion de perception corporelle …

Références

(1) Ehrsson HH, Spence C, Passingham RE. That’s my hand! Activity in premotor cortex reflects feeling of ownership of a limb. Science. 2004 Aug 6;305(5685):875-7.
En accès libre ici

(2) Bekrater-Bodmann R, Foell J, Diers M, Kamping S, Rance M, Kirsch P, Trojan J, Fuchs X, Bach F, Çakmak HK, Maaß H, Flor H. The importance of synchrony and temporal order of visual and tactile input for illusory limb ownership experiences – an FMRI study applying virtual reality. PLoS One. 2014 Jan 31;9(1):e87013.
En accès libre ici

(3) Tsakiris M, Hesse MD, Boy C, Haggard P, Fink GR. Neural signatures of body ownership: a sensory network for bodily self-consciousness. Cereb Cortex. 2007 Oct;17(10):2235-44.
En accès libre ici

(4) Ehrsson HH, Holmes NP, Passingham RE. Touching a rubber hand: feeling of body ownership is associated with activity in multisensory brain areas. J Neurosci. 2005 Nov 9;25(45):10564-73.
En accès libre ici

* Le site web de l’équipe de Henrik Ehrsson