S’il est impossible de nier les avancées récentes en neuro-imagerie fonctionnelle et les perspectives de compréhension du fonctionnement humain qu’elles nous offrent, le revers de la médaille n’est jamais bien loin. Le culte du « neuro-machin-truc » a-t-il déjà atteint son apogée ? Si de nombreux experts du domaine incitent à rester vigilants quant à l’interprétation des résultats fournis par ces technologies, le grand public tout autant que certains professionnels ont tendance à prendre toute affirmation qui jaillit d’un travail mené à l’aide d’une IRMf, PET-scan, EEG, etc. pour une vérité. Finalement, la débauche technologique n’a-t-elle pas tendance à réduire notre capacité critique ?

Passionnée par cette question, l’équipe d’Amir Raz s’est amusée à conduire quelques expériences de manipulation des honnêtes gens… En 2014, 58 étudiants de premier cycle ont participé à une étude. Parmi eux, 32 étudiants n’étaient pas familiers des notions de psychologie, neurosciences et sciences cognitives et formaient le groupe "non-neuro". 26 autres étudiants (le groupe "neuro") possédaient ces notions et avaient suivi un cours spécifique où leur professeur avait lourdement insisté sur l’impossibilité de pouvoir lire les pensées d’un être humain en expliquant notamment les tours de passepasse utilisés par les mentalistes.

Tout ce petit monde était cordialement invité à venir tester le Spintronics, un nouveau scanner révolutionnaire du Montreal Neurological Institute (fabriqué avec un casque de coiffure – jetez un œil à la photo !) capable de lire les pensées de sujets au repos. Les étudiants ont testé la machine dans le cadre d’une procédure truquée : ils devaient penser à 4 items (une couleur, un pays, un nombre à deux chiffres et un à trois chiffres) qu’ils écrivaient sur un bout de papier glissé dans leur poche. L’expérimentateur utilisait un truc de magicien pour savoir ce qui y figurait (hélas, ce truc n’est pas détaillé dans l’article, grrrrrrrrrrr !) histoire de renforcer leur croyance. Les étudiants étaient invités à remplir un questionnaire (avant et après la révélation des données écrites sur leur papier par l’ordinateur) à propos de leur expérience subjective et de leurs croyances vis-à-vis de cette expérience.

Résultats ? Aucun sujet n’est bien évidemment tombé dans le panneau : heureusement, personne n’est assez dupe pour croire qu’un casque sèche-cheveux relié à un écran en carton peut permettre de lire les pensées… Enfin, lisez l’article quand même car j’ai pu me tromper légèrement dans son interprétation*.

Conclusion : ce genre d’expérience donne à réfléchir quand on voit le grand nombre d’équipements technologiques qui pullulent sur les salons de rééducation puis dans les cabinets alors que les niveaux de preuves justifiants leur utilisation ne permettent (trop souvent) pas de se prononcer. Nul doute que l’argumentaire qui commence par « des études en neuro-imagerie ont montré que » ou même « je suis praticien en neuro-reboutement Cosaque » ont encore de beaux jours devant eux pour influencer les esprits permissifs.

Promis donc, et à la demande générale, je ressors ma pompe à vélo prochainement 😉

* 76% des participants ont jugé les résultats de cette expérimentation crédibles et 65% du groupe neuro ont été convaincu par l’ensemble du paradigme

PS : merci à Estelle Ogier pour le tuyau !

Références

Ali SS, Lifshitz M, Raz A. Empirical neuroenchantment: from reading minds to thinking critically. Front Hum Neurosci. 2014 May 27;8:357. doi: 10.3389/fnhum.2014.00357. eCollection 2014.
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