Une des problématiques identifiée par les auteurs en termes d’enseignement est le fossé qui existe entre d’une part, l’approche théorique basée prioritairement sur les mécanismes neuraux de la douleur et, d’autre part, la confrontation des praticiens à la douleur en pratique courante : par exemple, la connaissance des bases moléculaires au phénomène de sensibilisation périphérique n’est sans doute pas d’une grande aide pour évaluer et traiter la douleur au quotidien. Imaginez apprendre à conduire dans une auto-école où vous passeriez le plus clair de votre temps à assimiler des connaissances en combustion chimique et en mécanique automobile et où l’entrainement en situation réelle serait optionnel. Côté traitement aussi, nos systèmes éducatifs continuent de faire la part belle aux thérapeutiques basées sur ces mécanismes de la douleur. Schématiquement, le praticien est amené à classifier son patient en fonction du mécanisme initiateur de la douleur (le fameux « BIO » de biopsychosocial). L’accent est donc clairement mis sur le « bio » plutôt que sur le « psycho » et surtout sur le « social ». Il en découle des diagnostics/traitements trop souvent mécanistes et impersonnels, incapables de capturer la complexité multidimensionnelle de la douleur du patient et dont les résultats sont limités.
Le modèle BPS, bien qu’il date de 1977, tarde à prendre sa place dans l’enseignement et la pratique de la plupart des disciplines médicales. Dans ce modèle, c’est sans aucun doute le volet social qui est le plus oublié des enseignants et des praticiens (sans doute car il est plus difficile à évaluer). Cette dimension sociale est pourtant très importante dans l’expérience douloureuse du patient et semble pouvoir conditionner les résultats thérapeutiques. Les publications exponentielles et récentes en imagerie cérébrale étudiant les notions d’empathie, de lien social ou encore de souffrance en rapport à l’isolement confirment l’intérêt du versant « social » dans la douleur.
Les auteurs parlent de « renversement » de l’enseignement de la douleur et proposent de passer d’un cursus de type « bottom-up » (approche BPS) à un cursus « top-down » (approche qu’il qualifie de sociopyschobiologique). Cette formation plus adaptée pourrait contenir des cours de neurosciences, de psychologie sociale et cognitive, de sciences comportementales et sociales, d’organisations des systèmes de santé et d’optimisation de leurs fonctionnements, etc.
Une fois encore, l’idée n’est pas de tirer un trait sur l’aspect biomédical ni d’en diminuer l’importance. Pour les enseignants, pas question non plus de choisir entre un niveau de conceptualisation de la douleur « micro » VS « macro » : l’idée est « simplement » de mieux équilibrer les aspects bio-psycho-social au sein d’un cursus douleur destiné aux futurs professionnels de santé.
Références
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